[25]. Bâtir avec le web une démocratie participative en Afrique
On ne peut aujourd’hui évoquer les promoteurs du web citoyen en Afrique sans le citer. Il s’y est très tôt mis et se nourrit du duo web et démocratie participative. Il partage avec nous cette vision, au détour du concours pour le pris mondial initié par Deutsch Welle.=Cheikh Fall sur Facebook et @cypher007 sur Twitter bienvenue. Quelle est votre histoire avec l’internet ?
J’ai découvert internet en 1999 quand j’étais au lycée. Avec le navigateur Netskape j’y ai découvert une infinité de possibilités mais je me suis toujours demandé comment faisaient les gens derrière pour alimenter cet espace et rendre les pages visibles et accessibles.
C’est en classe de terminal en 2002, en faisant mes recherches pour mes cours que je me suis rendu compte de l’inexistence de contenus par des africains. Depuis, le virus du partage m’a piqué et mon premier projet fut un site conçu spécialement en ressaisissant mes cours de terminale pour donner la possibilité aux élèves qui viendront après moi, de trouver des contenus africains.
J’ai eu mon premier prix avec ce projet de site éducatif que j’avais logé chez un hébergeur gratuit. Les blogs n’existaient pas encore, mais j’étais déjà dans l’approche du web « production – diffusion – partage ». Il n’y avait encore aucun modèle économique s’appuyant sur le « revenu sharing », donc le projet ne générait aucun revenu si ce n’est une satisfaction personnelle d’un défi relevé.
Certains qui liront cet article, se souviendront de ce projet qui fut le premier portail éducatif dédié aux élèves de terminale. Il a été en ligne de 2003 à 2008 quand le service d’hébergement a arrêté de fonctionner mais le lien du groupe est toujours accessible ici
Certains vous présentent comme un des « gourous » du web africain. D’où tirez-vous cette réputation?
Très sincèrement je n’ai pas senti cela. Pour moi, nous avons encore un grand défi qui consiste à faire rayonner l’Afrique par le biais des TICS mais aussi faire saisir à nos autorités la chance que représente la révolution digitale.
Aujourd’hui, nous avons initié et lancé la plateforme africtivistes.org qui se veut être le réseau des blogueurs et activistes africains pour la démocratie.
C’est peut être aussi lié au fait qu’on vous retrouve à la tête de plusieurs initiatives. Je peux citer pêle-mêle Sunucause, ObamaTakh, Ndadjeweetup, Eau Secours ? Pouvez-vous revenir sur ces projets ?
(Rire) … Moi tout seul, ces projets et initiatives ne verraient jamais le jour. Je ne signifie rien devant tous ces projets. C’est effectivement parce que ces projets s’appuient et se reposent sur toute une communauté soudée et engagée.
Aussi, un blogueur ou un activiste, seul dans son coin, n’arrive à rien faire bouger. La logique voudrait que la communauté soit au-devant. En ce qui me concerne, je dirais que le succès de ces initiatives revient à la communauté des blogueurs et activistes sénégalais. J’ai juste eu la chance d’être plus connu.
Après avoir été nominé pour le Prix Netizen de Reporters sans frontière, vous voilà à nouveau en compétition avec d’autres activistes du web pour un prix mondial initié par Deutsche Welle. Qui est derrière vous ?
(Rire ….) Qui est derrière moi ? Je me suis posé la même question… Non mais vraiment, pour ces deux nominations, j’ai été informé par d’autres personnes. Pour le Netizen 2013 de reporters sans frontière, j’ai eu la surprise de recevoir l’information par courriel. Cela tendait beaucoup plus à récompenser le travail citoyen et le rôle de vigie que la communauté web sénégalaise a joué durant l’élection présidentielle de février 2012.
Pour cette nouvelle nomination de Deutsche Welle pour le Best Online activism, je n’étais vraiment pas du tout au courant. J’ai été nominé par le jury et c’est via un tweet d’un blogueur malgache que j’ai reçu l’information selon laquelle mon profil twitter a été sélectionné pour le prix « Favori du public – français » en compétition avec quatre autres candidats au prix dont le blog de l’Agence France Presse. Un sérieux candidat (au passage).
Pour revenir sur cette nomination, je voudrais souligner ici que cela récompense l’engagement et la maturité de la blogosphère sénégalaise. Faire des réseaux sociaux des outils de veille, de surveillance, d’alerte, de dénonciation, d’interpellation et de sensibilisation, c’est cela notre crédo et nous pensons qu’avec cette nomination, on arrivera à faire passer le message d’une belle culture démocratique à travers nos profils virtuels sur les réseaux sociaux.
Nous voulons, au-delà du ludique, profiter de toute la superpuissance de ces outils pour bâtir un nouveau système de démocratie participative et stimuler une dynamique citoyenne autour des questions de gouvernance.
On note de plus en plus un certain dynamisme des sénégalais sur la toile. Pensez-vous que l’internet peut contribuer au développement de l’Afrique ?
Je n’arrêterai pas de le dire et de le confirmer. Jamais dans l’histoire du monde, l’Afrique n’a eu autant de chance pour s’inscrire dans une logique de développement.
En Afrique le constat est alarmant : 3.248 morts durant la crise post-électorale en Côte d’Ivoire en 2010, 800 morts durant la crise post-électorale au Nigéria selon Human Rights Watch en 2011, 24 personnes tuées après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle de 2011 en République démocratique du Congo, plus de 1 000 morts et 600.000 déplacés en 2007 durant la crise post-électorale en République Centrafricaine, le président du Conseil Constitutionnel du Sénégal assassiné durant la période électorale en 1993
Tous ces crimes, guerres et crises sont intervenus durant des périodes pré-électorales ou post-électorales. Si on arrivait à garantir des élections libres et transparentes et une stabilité, une réelle politique de développement verrait le jour. Internet est aujourd’hui plus qu’une chance pour l’Afrique. L’exemple de notre dernière élection présidentielle en est une belle preuve.
Vous représentez la jeunesse francophone à ce concours international, qu’est- ce que vous avez envie de leur dire ?
Le message que je veux partager avec la jeunesse francophone, c’est de nous mobiliser pour marquer notre temps car nous avons eu la chance d’être de ceux qu’on appelle la génération Y, cette génération d’internet connectée.
Nous devons écrire le futur et rebâtir l’Afrique mais ce futur nous devons le concevoir ici et maintenant. Saisissons la chance et donnons orientation à la jeune génération qui va suivre nos pas.
L’Afrique a presque perdu ses pères fondateurs. Nous saluons leur mémoire mais nous devons faire plus que leur rendre hommage, nous devons les rendre fiers de nous. C’est à nous, fils d’Afrique, que revient la lourde tâche de redresser ce continent. Alors, cherchons à être meilleur chacun de son domaine. Cultivons l’ingéniosité dans l’excellence.
Voilà venu le final des lutteurs ? Koy geureum ?
Guinaw bima santé yallah ak Yonenti bi, sante sama niari wadjeur (je fais comme les lutteurs). Non, mais je remercie toute la communauté web sénégalaise (y compris toi pour cet article) et toute la blogosphère africaine. Cette communauté qui continue de voter pour moi. Un premier combat est là devant nous, il nous faut le gagner ensemble. Maintenant