[228]. Le don de sang au Sénégal sous l’emprise de croyances socioculturelles
Pour un besoin annuel estimé à 170 000 poches de sang, le Centre national de transfusion sanguine en a collecté 112 000 en 2021. Ce billet présente le système en place, les contraintes au don, la gestion des alertes notamment dans les réseaux sociaux et les systèmes de groupe sanguin
Lorsqu’on parle de don de sang au Sénégal, on pense en règle générale à la transfusion sanguine. En prélude donc à la journée mondiale du donneur bénévole de sang célébrée le 14 juin, nous avons eu le plaisir de recevoir sur le Divan Citoyen, le Professeur Saliou Diop. Il est professeur d’hématologie à l’Université Cheikh Anta Diop et directeur du centre national de transfusion sanguine (Cnts).
Ce Centre fut le premier à s’occuper de la transfusion sanguine dans l’Afrique Occidentale Française et il est arrivé, sous la gouvernance de la France que du sang soit envoyé jusqu’au Cameroun. Juridquement, l’on était dans un seul pays.
Il se trouve qu’aujourd’hui, chaque pays tente d’assurer à ses populations la disponibilité du liquide précieux. Il n’y a ni import ni export du sang au Sénégal. Par contredu sang n’est pas exporté
En l’invitant à cette session du 12 juin 2022, nous avions souhaité bien comprendre la règlementation en matière de transfusion. Nous en avons largement débattu et avons profité de la tribune pour éviter divers points. Il en est
Un médicament d’origine humaine, fourni gratuitement
Le Directeur du Centre l’a réaffirmé lors du Divan citoyen. La précision avait été apportée précédemment lorsque la rumeur avait circulé au sujet de la vente de poches de sang. Il n’en est rien. La gratuité est élément de la politique de santé publique, ce qui ne signifie cependant pas que cela soit sans coût. Celui-ci est estimé à environ 40 à 50 000 FCFA la poche.
Par ailleurs, si le sang est délivré de façon gratuite à toute structure sanitaire publique qui en fait la demande, une clinique privée doit contriber par contre. Au delà du fait qu’aucune structure privée n’a le droit d’opérer sa propre collecte, elle doit contribuer à hauteur de 7 500 pour chaque poche de sang sollicitée.
Bien que la recherche ait beaucoup évolué dans le monde, peu de pays sont en mesure de produire du sang en laboratoire. Les Etats-Unis expérimentent une production en Inde puisque cela n’est pas encore autorisé sur le territoire.
Une question importante reste à résoudre cependant : la production de masse. Une goutte de sang, qui équivaut à 1millilitre (ml) contient environ quatre millions de globules rouges. Il faut donc avoir à disposition une technologie de pointe pour en produire suffisamment.
Le don de chacun de nous est donc la seule solution disponible pour le moment.
Savoir distinguer votre groupe sanguin
L’organisme humain qui produit le sang, compte plus de quarante (40) systèmes de groupes sanguins. Pour les besoins de la transfusion sanguine, deux systèmes sont le plus mis en avant. Il s’agit notamment du système ABO et du système Rhésus.
Le premier permet de vous classer dans un groupe A, B, AB ou O et le second vous attribue un classement positif (+) ou négatif (-). C’est donc la combinaison de ces deux systèmes qui vous permet de savoir si vous êtes O+, A+, B+, AB+ ou encore O-, B- AB-. .
Nous avons essayé de comprendre, auprès du Professeur Saliou Diop, la répartition des systèmes selon ce classement. Il ressort des propos du Directeur de la Cnts, que la majorité des sénégalais sont du groupe 0 (environ 55%). Quant au système rhésus dominant, le positif (+) représente 94% alors que 6% seulement sont négatif (-).
C’est dans ce dernier groupe qu’on retrouve également les groupes sanguins et les donneurs rares. environ de la population. Les patients de ce groupe ont souvent besoin de la contribution de donneurs spécifiques, ce qui est, quelque fois, à l’origine des appels sur les réseaux sociaux. s
Qu’en est-il des alertes sur les réseaux sociaux
On ne pouvait pas, lors de ce Divan passer sous silence cette question. Nous voyons de façon régulièe sur les différentes plateformes des réseaux sociaux des appels. De l’avis du Professeur, ces alertes ne correspondent pas dans 80% des cas, à des situations réelles. Il nous explique pourquoi.
La première considération concerne la structure hospitalière. A chaque fois qu’un patient a un besoin, demande est fait au Centre qui délivre le volume nécessaire sur la base d’un bon de commande présenté par un membre du personnel de santé. Cette procédure permet au Centre de s’assurer un suivi du produit et des conditions de conservation notamment.
Il arrive cependant que pour diverses raisons, l’on déclare aux accompagnants un manque alors qu’un stock est disponible au niveau du Centre. La règlementation en vigueur ne permet cependant pas à un individu d’adresser directement une sollicitation au Centre.
Il peut arriver par ailleurs qu’une personne d’un groupe sanguin rare soit dans le besoin. A ce niveau également, un système de gestion des stocks permet d’anticiper la rupture. Si un déficit spécifique est noté, le Centre réagit. Il peut faire un appel public ou solliciter directement la catégorie de donneur concerné.
En tous les cas, il n’est pas toujours établit que le sang que vous offrez sera transfusée à une personne dénommée. Les principes de volontariat et d’anonymat gouvernent donc ce processus. C’est pourquoi, il est important que toute personne bien portante, dans la fourchette 18-60 ans, contribue à l’opération du don de sang au Sénégal.
Collecte, conservation et distribution
Il faut savoir qu’au moment du don de sang, il vous est prélevé une quantité égale à quatre cent millilitre (450 ml). Ce volume, de l’avis du Professeur, est restauré par votre organisme dans les six (6) heures qui suivent. Quant aux globules rouges, votre corps en fabrique et le nombre est également restauré en une semaine.
Si vous remplissez les conditions, il vous est recommandé, de manière régulière, de faire don de votre sang. Il est établi qu’un homme bien portant peut effectuer quatre dons par an (chaque trimestre), quand une femme bien portante en fera trois par an (tous les 4 mois). Cela donne suffisamment de temps à l’organisme pour récupérer en volume et en globules rouges.
Dakar, Touba et Thiès arrivent en tête des zones de collecte tandis que les étudiants et les militaires constituent le gros de la troupe des donneurs. De l’avis du Directeur Saliou Diop d’ailleurs, si chaque étudiant faisait 1 don par an, le Sénégal atteindrait l’autosuffisance en sang
Pour un besoin national estimé à 170 000 poches de sang (référentiel de l’OMS), les résultats de la collecte sont encore en deçà. En 2021, le Centre a collecté 112 000 poches. L’OMS (organisation mondiale de la santé) considère qu’il faut avoir 10 donneurs pour 1000 habitants.
Le don régulier permet de maintenir un stock de sécurité au niveau du Centre national de transfusion sanguine. Le sang, s’il n’est pas transfusé à un patient, ne peut non plus être gardé pour une durée indéfinie. Il est établi qu’une poche de sang est conservée dans des conditions optimales pendant 35 jours.
Don de sang au Sénégal, des réticences à lever
En juin 2020, le Sénégal a adopté une loi sur la transfusion sanguine. Elle vient élargir le champ d’action défini par l’arrêté du 09 octobre 1990. Par conséquent, l’activité du Centre se décentralise avec des entités décentralisées. Il est attendu que la population des donneurs s’élargisse davantage.
Il faut relever que divers facteurs socio culturels rendent difficile l’organisation du don de sang au Sénégal. Le Centre national de transfusion sanguine mène règulièrement des études « connaissances, attitudes et patiques » autour du don de sang. Ces enquêtes révèlent principalement le fait qu’à Dakar par exemple, plus de 96% des personnes enquêtées comprennent les enjeux autour du don de sang. Cela ne leur suffit cependant pas à participer aux campagnes de collecte.
Parmi les raisons misese en avant, on retrouve l’indifférence ou la peur. Les personnes interrogées disent ne pas donner du sang parce que cela ne leur a pas été demandé personnellement. D’autres encore évoquent la peur de découvrir leur statut sérologique à la suite de l’analyse de leur sang. Ce n’est pas tout. La peur de la piqûre ressort aussi des enquêtes tout comme le fait de considérer n’avoir pas suffisamment de sang dans le corps pour en donner.
Le Centre ne parvient également pas encore à enrôler certains groupes. Aujourd’hui, le grand groupe des contributeurs est constitué de bénévoles affiliés à des organisations, publiques ou privées. Il y’a cependant le grand groupe des particuliers qui ne sont pas très souvent actifs dans ce processus.
Nous mobiliser ensemble
Le Centre travaille à mobiliser ce groupe en organisant des collectes foraines avec l’installetion d’un dispositif de collecte à un endroit fréquenté par le public. De façon plus large, les ambassadeurs don de sang sont mobilisés ainsi que les leaders dans les communautés. Ces derniers sont très importants dans le dispositif de sensibilisation.
Dans la perspective du Divan, chacun a la possibilité de contribuer à cet effort national. Certains se mobilisent déjà dans le cadre de l’initiative #GiveBloodChallenge tandis que d’autres agissent au sein de leurs communautés. Tous ensemble, nous contribuerons à minimiser l’impact des fêtes sur la capacité de collecte du Centre.