18 mars 2025

[144]. Pr Songué, essayez ! Vous n’y arriverez pas !

 [144]. Pr Songué, essayez ! Vous n’y arriverez pas !

Cher Pr Songué,

Je n’avais pas suivi votre émission que lorsque la clameur a pris le dessus en réaction aux énormités que vous aviez dites. Vous les avez dites à la Télévision Futurs Médias sur le plateau de l’émission Jakaarlo, un vendredi soir. Nous venions tous d’endurer cette dure semaine et nous préparions à nous prélasser lorsque…

J’ai par la suite écouté les yeux fermés vos propos avant de visionner la vidéo, plusieurs fois sakh nak pour trouver quelque chose sur quoi m’accrocher. Je cherchais un mot, une phrase, une émotion qui trahit, un geste sur lequel je pouvais m’accrocher pour au moins me taire. J’ai réessayé dans cette quête sans pouvoir y arriver. J’ai plutôt capté en sentence introductive ceci: « samay ndongo you jigeen gni ladone togne néléne… » Purée d’une poire non coupée en deux. Le viol est donc d’une telle légèreté chez vous?

Dans cette émission Pr Songué, vous avez mis dos à dos le violeur et la victime et c’est totalement dérangeant. C’est très méchant de le penser, de le dire à la télévision après l’avoir répété maintes fois je suppose, à vos élèves. Lorsqu’on viole quelqu’un, on lui fait mal, très mal, sur l’instant et toute sa vie durant. On lui nie une identité, une dignité, on bafoue son honneur et on l’emprisonne dans une honte. Encourager ou trouver justification à cet acte, c’est être méchant.

Quand la clameur vous a trouvé là où vous étiez, vous avez surement regardé la vidéo et ce que vous aviez dit. Vous l’avez tourné et retourné, vous l’avez pris de haut et de bas et vous avez décidé de nous reparler. Je guettais cette prise de parole car je voulais encore croire que vous avez pris conscience de la dérive. Au fond de moi, j’ai prié pour vous parce que chacun pouvait se retrouver au cœur de ce déluge. Vous avez parlé et … vous avez déçu.

Vous avez encore, comme le vendredi précédent, mis à dos à dos notre indignation face aux encouragements de vos souteneurs. Vous n’aviez pas le droit, surtout pas, de parler ainsi, de vous justifier de la sorte. Vous êtes enseignant, père de famille que vous ayez des enfants ou non, vous êtes philosophe Pr Songué. Sous toutes ces casquettes, nous vous invitons chez nous, sans forcer, parce que vous êtes au cœur de notre environnement social, parce que vous êtes intervenant dans un média à forte audience.

Depuis que je vous ai entendu parler, j’ai, sans vous le cacher, ressenti un degré supplémentaire dans mon stress quotidien de parent. Vous avez fait croire à mes neveux et frères qu’une femme, aux formes généreuses ou une fille dévêtue, est bonne à prendre. Qu’on peut la prendre avec violence et sous la contrainte parce qu’elle est coupable, complice et aguicheuse. C’est ce que vous dites professeur, c’est ce que vous prêchez et en agissant ainsi, vous avez remis en question tout ce qu’on leur avait dit jusque-là, togn nga niou

Vous avez fait croire à mes filles, nièces et sœurs qu’elles seront une proie lorsqu’elles s’habilleront légères. Elles le seront d’autant lorsque devant une glace elles verront leurs formes généreuses. Mieux vaut qu’elles ne se mirent plus alors et pourtant. Et pourtant Professeur, nous leur avions répété sans cesse qu’elles n’avaient de limites que leur intelligence et leurs efforts. Vous leur avez insufflé une crainte, la crainte d’être devant, derrière, à proximité ou avec l’autre. Vous avez remis en question tout ce qu’on leur avait dit jusque-là, togn nga niou.

Et pour tous ceux-là, pour toutes celles-là, pour tout ceci, j’ai guetté votre réaction. J’attendais une position ferme adressée aux filles et aux garçons, leur disant qu’une personne violée n’est ni coupable ni complice, juste une VICTIME. J’avais de bonnes raisons de ne pas douter de vous parce que je remarquais l’affluence autour de vous. Les jeunes garçons et filles affluent à vos séances, ils y accourent et cela n’est pas rien.

Combien ont-ils été, combien seront-ils, prêts à bourse délier pour vous écouter parler? Ils boivent vos paroles et en sont si friands qu’une demi journée n’est jamais assez pour atteindre la satiété. Au lieu de vous soucier d’eux et d’elles, en lieu et place, vous avez scruté, pesé et soupesé votre côte de popularité, compté vos amis et méprisé ceux qui attendaient de vous donner une seconde chance. C’est en cela que je suis déçu. Profondément parce que j’ai pensé que vous seriez capables de remettre les choses en l’endroit.

Je ne boycotterais pas pour autant votre tribune ni votre émission. Ce serait vous laisser à vous et à tous ceux qui pensent pareille le champ libre. Non, ce serait encore m’infliger un tort, volontairement cette fois-ci et en toute conscience. On ne vous lâchera pas tant que vous n’aurez pas retiré ce que vous avez dit. On se sentira très mal d’ici là, on se sentira impuissant mais on ne vous lâchera pas.

Devant vous et contre tous ceux qui multiplieront notre dignité par – 1, nous ferons face. Nous vous apporterons la réplique et ferons de sorte que vous entendiez ce que nous avons à dire. Nous vous confronterons et nous arriverons à ce que les victimes ne soient jamais, au plus grand jamais coupables ou complices. Pour ma part, j’ignore combien de temps cela va prendre ni même la tournure mais plus rien ne sera comme avant.

Vous avez abusé de votre position, vous avez abusé de notre confiance et vous l’avez fait sciemment en refusant de faire amende honorable. Que toute l’humanité soit à votre côté ne vous donnera pas raison parce que vous avez remis en cause un fondement essentiel de notre volonté de vivre en harmonie. Nous ne vivons pas, nous ne vivrons pas dans une société de prédateurs et de proies, nio bagn, nio lank la wakh.

A présent, je m’adresse à la personne morale du médium par lequel vous êtes passé pour nous faire du tort. J’attends de Youssou Ndour et de lui seul qu’il se positionne clairement. Il pourra se taire et se faire complice de ce que vous avez dit, puisque nous lui appliquons la maxime « qui ne dit rien consent ». Ce sera de sa responsabilité parce qu’il est désormais au courant. Nous écouterons sa voix ou son silence.

Aujourd’hui et partout dans le monde, des voix s’élèvent pour dénoncer les violences qui s’abattent sans raison sur nos filles, nos sœurs et nos mères. Elles sont violées, battues, giflées, violentées et tuées par des formes physiques qui se disent hommes. En réalité, ce n’est même pas une virilité qui est testée, ce n’est non plus du courage, juste de la lâcheté. Ils cachent leurs propres incapacités à prendre le dessus dans les conditions normales. Que dis-je, prendre le dessus. Comme si c’était une bataille dans laquelle une victoire était attendue.

Violer une personne c’est abominable, encourager l’acte ou lui trouver une justification est tout aussi méchant. Ne pas dénoncer cette pratique, c’est encore plus méchant. Et la méchanceté, ce n’est ni cool, ni mignon, ni sympa, c’est un vilain défaut, de corps et d’esprit.

Je vais m’en arrêter là sakh, je ne voudrais pas que ma colère transparaisse et que mes sentiments prennent le dessus. Ce n’est pas la peine, cela n’en vaut pas la peine sinon je finirais par vous dénier votre propre humanité. Les philosophes sont des humanistes et l’humilité de reconnaitre son tort est un élément fondamental dans cette humanité. Je ne vous demanderais pas de vous excuser, cette discussion avec votre propre conscience s’imposera.

Seulement, le jour où un ou une de vos proches sera victime de viol, walay il sera trop tard pour vous de mesurer la portée de votre discours. Dieu fasse que cela ne vous arrive parce que votre peine n’atteindra jamais celle ou celui qui aura vécu cet évènement. Cela fait mal et très mal. Pire l’évènement sera vécu à répétition, comme au premier jour, dans ses moindres détails. Il n’ y a pas pire comme souffrance et verser les larmes de son corps ne pourront soulager.

Du fond de moi et pour tout ce que vous représentez, je prie pour vous, pour que ceci ne se reproduise. Je prie pour que Dieu éclaire votre conscience et que tout ceci ne soit qu’un détour qui vous ramène à nous. Vous redeviendrais alors humain. Simplement.

Alaaji Abdulaay

4 COMMENTAIRES

  • Vraiment merçi.

    • C’est notre combat à tous, et qui requiert l’engagement de tous

  • Je n’avais pas vu cette tribune! Merci de ton engagement! C’est rassurant de savoir que les hommes les vrais ne se sont pas des fous furieux et ne se laissent pas réduire a cela!
    Khaïra

    • J’ai toujours considéré que ceux et celles qui avaient des choses à dire ne pouvaient pas, ne devaient pas se taire sauf à se rendre complices. Merci pour ton engagement aussi et nous avons hâte de te lire sur cette plateforme

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