[142]. Seneporno et la protection des données personnelles
Nous allons évoquer l’actualité avec seneporno et la protection des données personnelles. Cette question soulève nombre de commentaires en rapport à ce « monde plus ouvert et connecté ». Internet est devenu aujourd’hui une réalité avec ses multiples avantages qui cependant ne bénéficient qu’aux initiés. Au delà du fait qu’on ignore où sont où sont stockées nos données notre usage peut conduire à des abus s’y on y prend garde.
« Avec la technologie, nous sommes condamnés à devenir plus intelligent » disait Michel Serres. Hélas, cette révolution est en train de nous échapper alors qu’elle représente une belle opportunité pour l’accomplissement de soi. Il faut que l’accès soit garanti à tous et dans les meilleurs conditions, mais pas pour en faire un objet de délinquance.
Comprenons que la technologie représente un couteau à double tranchant. Elle est cible et/ou moyen de commission d’infractions. A l’image du Pharmakos, il y’ a dans cet outil quelque chose qui émancipe et détruit. Internet n’échappe donc pas à cette logique puisqu’un remède peut se muer en poison.
En fin juin 2017, internet mobile représentait 98.61% du parc internet global. On peut dire aujourd’hui que nous sommes tous connectés. Un usage responsable de l’Internet est bien possible. Seulement, les déboires notés ces temps-ci montrent que le travail fait jusque-là ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan.
Mais savons-nous comment rester en ligne tout en gardant notre dignité et intimité? Il faut un traitement responsable en lien avec la sacralité de ces lieux sauf si nous décidons d’y renoncer. Il suffit d’une sextape pour que notre réputation soit fortement entachée. Dans le contexte sénégalais, les mauvaises chosent deviennent rapidement virales. Nous devons en prendre conscience et veiller à ne pas balancer notre intimité au premier venu.
Vie privé vs Internet
Notre première condition pour sauvegarder sa vie privée est de ne pas la confier à un smartphone. Un téléphone se perd facilement et rien ne vous garantit que vous l’aurez toujours avec vous. En règle générale, ce que nous ne pouvons faire en public, il ne faut l’envoyer ni le partager sur la toile. Un défaut de concentration fait qu’on peut toujours l’envoyer par mégarde à un autre destinataire.
Si malgré ces mesures, nous nous retrouvons dévêtu (e) dans le cyberespace, il nous reste à invoquer les dispositions de la loi 2008-12 du 25 janvier. Son article 33 dispose que « le traitement des données à caractère personnel est considéré comme légitime si la personne concernée donne son consentement« . Poursuivant, l’article 34 énonce que « la collecte, l’enregistrement, le traitement, le stockage et la transmission des données à caractère personnel doivent se faire de manière licite, loyale et non frauduleuse ».
Ainsi, les articles 431 et suivants prévoient une peine d’un à sept ans de prison et/ou d’une amende de 500.000 à 10 millions de francs. Idem pour celui qui recueille, à l’occasion de l’enregistrement, du classement, de la transmission ou autre forme de traitement, des données personnelles dont la divulgation aurait pour effet de porter atteinte à la considération de l’intéressé ou à l’intimité de sa vie privée sans que soit prouvé leur consentement.
La disposition exclue donc les personnes qui ont décidé de collaborer librement avec seneporno. Par ailleurs, la poursuite ne peut être exercée que sur la plainte de la victime, son représentant légal ou ses ayants droit. Nous pouvons cependant décider de nous adresser à la Commission des Données Personnelles (CDP), une autorité administrative indépendante.
La CDP dans la lutte contre le contenu illicite
Sa compétence trouve son siège dans l’article 5 de la loi 2008-12 notamment la disposition 16.1. Celle-ci la charge de veiller à ce que le traitement de nos données à caractère personnel soient mis en œuvre conformément aux dispositions de la présente. Eu égard à cette mission, la CDP doit être composée de membres choisis en raison de leurs compétences juridiques et/ou techniques.
Au delà de ce que lui réserve la loi précitée, l’instance pourra invoquer, dans le cadre de ses missions, diverses dispositions. C’est le cas notamment des règles qui organisent les transactions électroniques et la loi pénale. Le dilemme senporno et la protection des données personnelles pourrait trouver solution.
L’article 90.13 n’évoque-t-il pas l’option de géo-blocage de contenus pédopornographiques ou manifestement illicites? La CDP gagnerait à informer sans délai le procureur de la République des infractions dont elle a connaissance impliquant ce site. Par cette procédure, le parquet pourra notifier au fournisseur d’accès la demande de bloquer l’accès sans délai.
Dans la même veine, le président du tribunal de grande instance, statuant en urgence (référé) pourra ordonner cette mesure. Une telle décision peut intervenir en dehors de toute procédure d’enquête ou d’instruction. Elle pourra juste être déclenchée à la requête du ministère public ou de toute personne intéressée. L’ordonnance du tribunal sera exécutoire sur minute.
Au delà de l’aspect répressif, la CDP doit s’assurer que les TIC ne comportent pas de menaces pour les libertés publiques et la vie privée. Sous ce rapport, elle devra jouer un rôle de régulateur afin de trouver le juste milieu entre ces deux exigences. Dans ce jeu de rôle cependant, le recours au Premier ministre n’est que peine perdue.
Les limites de la protection
Internet étant accessible depuis n’importe quelle position du globe, commençons par ne pas fournir au public l’accès à nos contenus indécents. Ensuite, effaçons les vidéos ou photos que nous avons prises ou stockées sans le consentement des personnes concernées. N’oublions pas nos propres données indélicates.
Le droit étant toujours à la poursuite de la technologie, plusieurs solutions proposées peuvent être inopérantes. Déjà, nous ne pouvons que constater la suprématie du code informatique. Ensuite, différents outils pour contourner le géo-blocage existent sans oublier le téléchargement sur d’autres supports. Ces ouvertures ne facilitent pas d’ailleurs le travail de nettoyage des données qui pourront toujours refaire surface.
Le droit à l’oubli est de plus en plus agité. Dans la logique américaine, Google ne vous donne pas le contrôle sur vos contenus au nom de la liberté d’expression. Depuis Juillet 2014 cependant, les européens peuvent demander le retrait de contenus relatives à certaines informations personnelles dans les résultats de recherche (207 348 liens supprimés concernant la France en 2018). Avec l’adhésion du Sénégal à la Convention 108, l’hébergement de seneporno pourrait être problématique en Europe.
Seulement, la CDP ne peut jusque-là pas identifier le lieu d’exercice ni l’identité de l’administrateur de seneporno. Elle a quand même la possibilité d’obtenir des sites basés au Sénégal le retrait d’articles où sont indiqués ces contenus manifestement illicites. Mais, nous avons un problème à mettre en application les prérogatives que nous accorde la loi.
« Rarement la conception d’une technologie aura engagé autant de politique qu’Internet » a écrit le sociologue Dominique CARDON. Pouvons-nous reprendre de tels propos sous nos cieux ? Il est évident que les difficultés rencontrées résultent d’une absence d’accompagnement. Les initiés entreprennent des actions de sensibilisation mais leur nombre rapporté aux utilisateurs reste très minime.
2 COMMENTAIRES
Merci pour le partage car nombreux sont ceux qui n’ont aucune idée de ce que signifie Protection de données personnelles.
Merci pour votre retour. Nous devrons faire en sorte que les TIC nous profitent et nous ne pourrons y arriver que si nous sommes formés ou sensibilisés quant à son usage et sur les opportunités.