[223]. L’agroécologie permet une production saine et durable
L’agroécologie est nouveau comme concept mais résulte d’une pratique longtemps en vigueur en Afrique. Afin d’en savoir un peu plus sur les modalités, le forum public du Divan a reçu ce dimanche 10 avril 2022, Mme Coumbaly Diaw et M. Adalbert Diouf pour dialoguer avec notre communauté sur les systèmes alimentaires face aux défis du changement climatique.
Coumbaly Diaw est experte en système alimentaire durable pour la FAO et Adalbert Diouf spécialiste en gestion de projet agricole et technicien en production de semence paysane. La session a été facilitée par notre modératrice du jour Mariama Diallo. docteure en anthropologie politique et chercheure.
Ce Divan a marqué le départ d’une série de discussion autour de diverses thématiques liées à l’environnement, tout au long de ce mois d’Avril 2022.
Parler de systèmes alimentaires dans un contexte de changements climatiques débouche forcément sur une question centrale: comment (sur)vivre dans un environnement dont les fondamentaux sont sans cesse remis en cause ?
Qu’entend-on par système alimentaire?
La définition nous a été partagée par Coumbaly Diaw lors de cet échange. C’est un contexte dans lequel se trouve un réseau d’acteurs, localisé dans un espace géographique donné, et participant directement ou indirectement à la création de biens ou services, lesquels sont orientés vers la satisfaction des besoins alimentaires d’un ou de plusieurs groupes.
Ces acteurs peuvent être de catégories très divers. Il peut s’agir d’individus, d’entreprises ou d’institutions publiques ou privées. Ils sont également géographiquement localisés (pays, région, commune, hameaux, etc.) et se positionnent sur la production, la transformation, la distribution, la consommation et/ou la gestion des déchets résultant de ces activités.
Afin de soutenir un tel système et accompagner les acteurs, l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) a mis en place la Division Food System. Ce mécanisme est organisé autour du diagnostic et de la réflexion faisant participer les populations.
A titre d’exemple, si le système est appliqué sur le territoire de la région de Dakar, il génère des informations sur les types de produits, leur niveau de transformation, le circuit de distribution et la catégorie de consommateurs. Ces données permettent en fin de compte de mieux comprendre le système de production et d’anticiper ou satisfaire les besoins.
A ce propos d’ailleurs, il faut relever le fait que les connaissances et les compréhensions diffèrent d’un terroir à un autre. Si certaines populations n’ont pas encore pris conscience de l’impact de leurs actions sur l’environnement, d’autres par contre puisent dans les mécanismes ancestraux pour atténuer les impacts.
Nourrir sans détruire
Ces impacts aujourd’hui sont plus visibles. Dans un cadre plus global, on relève les dégats écologiques, l’explosion du nombre de réfugiés climatiques, l’irruption de maladies, etc. Ils ont ensuite pour nom : infertilité des terres, nocivité des engrais et pesticides, inadaptation des systèmes de culture, faiblesse de l’accès à l’eau, salinisation des terres, etc.
L’agriculture est donc un secteur qui interpelle fortement les acteurs et ce à double titre. L’agriculture industrielle est aujourd’hui responsable en grande partie de certains de ses effets, notamment du fait de l’émission du gaz à effet de serre. Cela doit nous interpeller sur nos choix fondamentaux, en tant qu’africains.
Faut-il mettre l’accent sur une production industrielle qui soit en mesure de nourrir les populations dont une grande partie subie les effets de la famine? Faut-il au contraire davantage investir dans l’agroécologie qui nous garantisse une qualité de produits, de consommation et de préservation de la santé publique?
Choix cornélien qu’un débat de deux heures n’a pas épuiser. Nous avons cependant pu énoncer les enjeux autour de ce choix.
Agriculture intensive vs agriculture écologique : les défis du passage à l’échelle
Le second point du débat avec nos invités a tourné autour du choix de la méthode d’agriculture qui devrait être le nôtre. Bien que les conséquences de l’agrobusiness sont communément admis, aussi bien sur les sols que sur consommation, elle reste une réponse à la famine qui frappe nombre de populations africaines.
Quid de l’agroécologie? Porte-t-elle réellement tous les espoirs et attentes que ses promoteurs en disent? Permet-elle d’assurer une autosuffisance et sous quelles conditions? Des éléments de réponse ont été avancés.
Ce débat agriculture intensive versus agriculture écologique pose la question fondamentale des défis liés au passage à l’échelle, comme l’a relevé Mariama. Il se trouve que l’agroécologie peut déboucher sur une production abondante et de qualité sous certaines conditions :
- Il faudra que le périmètre choisi est une terre à vocation agricole ;
- Il faudra trouver une alternative aux pesticides, et assurer une variété dans la production avec une gestion durable de l’eau ;
- Il faudra mettre en place un système performant de distribution qui passe par une valorisation de la consommation de produits locaux et des mesures dissuasives à l’importation de produits industriels ;
- Il faudra l’implication des pouvoirs publics dans sa mise en oeuvre.
Deux autres questions se sont invitées à la discussion à propos de l’agroécologie. Est-ce une technique importée ? Y’a-t-il une main d’oeuvre qualifiée pour accompagner le processus?
L’agroécologie n’est pas inconnue en Afrique
Sur le premier point, nos invités ont été unanimes à admettre que les pratiques agricoles africaines étaient basées sur la protection de la nature. C’est bien plus tard que le système de production basé sur l’usage de l’engrais, la monoculture ou la primauté de l’arachide s’est installé, avec la colonisation. L’accent n’était pas mis sur la quantité de la production mais sur la qualité.
Et cette qualité peut être assurée dans la mesure où, en termes de main d’oeuvre qualifié, beaucoup de départements d’agronomie ont intégré dans leur cirricula, l’agroécologie. Dans certaines localités d’ailleurs, des centres de formation développent au principal la science de l’agroécologie afin que les populations s’en imprégnent davantage.
En définitive, il faut travailler à un véritable changement de comportement. Il faut agir sur les consommateurs afin que la consommation d’aliments sains, équilibrés et disponible soit un droit que chaque citoyen est en devoir d’attendre de sa collectivité.