[294]. Sénégal – De l’appel à candidatures pour la haute fonction publique
Depuis sa prestation de serment le 3 avril 2024, nous attendions rageusement les premières nominations en Conseil des ministres du Président de la République Bassirou Diomaye Diakhar FAYE. Cela a finalement eu lieu ce mercredi 24 avril 2024 avec plusieurs directions générales qui ont été pourvues. Il en est ainsi de la Délégation général à la Promotion des Pöles Urbains de Diamniadio, de l’APIX, de la télévision nationale (RTS), du Port autonome de Dakar, de l’Aéroport International Blaise Diagne, la Poste, la SN HLM et la SICAP dans le domaine de l’immobilier, de la SAPCO, l’ADEMPE ou encore de l’Office nationale en charge de l’assainissement (ONAS). Au total, dix-sept directions générales vont accueillir de nouveaux directeurs et de nouvelles directrices.
Et comme l’on s’y attendait, les nominations ont occupé la UNE des médias et le fil d’actualité des réseaux sociaux. Au Sénégal, en tout cas mais cela ne le restera pas longtemps. Il faut savoir que l’élection de Bassirou Diomaye Diakhar FAYE a beaucoup intéressé le monde, et notamment l’Afrique. Il a 44 ans, devenant ainsi le plus jeune président de la République élu en Afrique. Il a quitté la prison pour le Palais après une dizaine de jours de campagne électorale et surtout, a été élu dans un contexte difficile que nous avons tous vécu.
Le dernier élément qui me semble important dans cette grille de lecture est cette volonté de rupture prônée par son parti le PASTEF, dissout et réhabilité par le Président Macky SALL. Les leaders de ce parti ont ainsi opté, dès leur début, pour une ligne de démarcation par rapport à ce que nous avons connu au Sénégal depuis l’indépendance. RUPTURE et PROJET ou projet de rupture est la philosophie politique qu’a tenté d’incarner le PASTEF. Ils l’ont vendu aux Sénégalais qui l’ont validé par l’élection de Bassirou Diomaye FAYE à la tête du pays.
Après les engagements, les actes. C’est donc dans ce cadre qu’il faut placer le débat naissant autour des premières nominations en Conseil des ministres.
La Constitution du Sénégal adoptée le 22 janvier 2001 et toujours en vigueur, donne au Président de la République, la prérogative de nommer aux emplois civils (Article 44) et à tous les emplois militaires (Article 45). A notre connaissance, aucune conditionnalité n’est attachée à ce pouvoir de nomination. C’est donc dire qu’il peut nommer qui il veut, à n’importe quel poste, à sa convenance. La réunion du Conseil des ministres étant le siège des nominations, le communiqué est donc scruté chaque mercredi pour tous, chacun selon ses intérêts.
Ce système a produit le résultat que nul n’ignore aujourd’hui. L’idée de réformer ce processus a donc retenu l’attention des citoyens sénégalais dès qu’il a été évoqué dans le PROJET du candidat Bassirou Diomaye FAYE. Au point 3 consacré à « l’élaboration de standards et l’application de normes de qualité dans tous les secteurs » du document « Pour un Sénégal juste, souverain et prospère », on peut notamment relever l’engagement qui suit :
[…] « Nous consacrerons l’appel à candidature pour certains emplois de la haute fonction publique et du secteur parapublic et normaliser les recrutements civils et militaires par le recours exclusif au concours qui garantit l’égalité des chances aux citoyens »
Pour un Sénégal juste, souverain et prospère – Programme du candidat DiomayePresident
« CERTAINS emplois » ! C’est la réplique que les partisans du PROJET ont brandi pour contrer tous ceux et celles qui ont revendiqué, à tort ou à raison, l’appel à candidatures pour la nomination des postes. L’on ne peut certainement pas dire que ces directions ci-dessus pourvues, ne sont pas de la plus haute importance. Elles le sont du fait des sommes colossales qu’elles mobilisent ou manipulent, du pouvoir d’influence que le titulaire du poste acquiert et de l’importance de l’entité dans l’architecture globale de l’administration. Les chroniqueurs disent le plus souvent que ce sont de juteux postes. Du jus, du fric, de l’argent et du pouvoir.
Sur quels critères, objectifs ou subjectifs, le Président Bassirou Diomaye Diakhar FAYE s’est fondé pour nommer ces personnes à ces postes ? Lui seul sait.
D’autres sont allés plus loin dans la réplique, en évoquant le fait que les contempteurs n’ont simplement pas pris le temps de lire le PROJET. Ils auraient pû saisir toute la nuance autour des termes utilisés.
Mais si tous les emplois de la haute fonction publique et du secteur parapublic ne sont pas pourvus par la voie de l’appel à candidature, quels sont les postes qui le seront ? Un début de réponse peut être trouvé dans le communiqué du Conseil des ministres du 17 avril 2024. Abordant le point relatif à la politique de transformation de l’administration publique, le Président Bassirou Diomaye Diakhar FAYE a demandé au Premier ministre Ousmane SONKO de « préparer un projet de décret relatif à l’appel à candidatures pour certaines hautes fonctions dans les secteurs public et parapublic. […] ». Il nous faudra donc attendre la publication de ce décret pour avoir les détails qui nous importent.
Dans une interview accordée au quotidien L’Observateur le 3 mai 2024, Aminata TOURE qui fut directrice de campagne du candidat Bassirou Diomaye Faye lors de la présidentielle de 2024 relevait qu’il existe 188 postes de Directions d’agences à pouvoir sans compter les Directions générales des ministères. « Si on voulait faire passer tous ces postes par appel à candidatures dans les règles de l’art, dans 2 ans on n’aurait pas fini l’exercice de recrutement ».
En attendant donc que l’information sur les postes à pourvoir par appel à candidature soit rendue publique, nous reconnaissons un fait. Opter pour la nomination de citoyen.ne.s sénégalais.e.s à des postes dans la haute administration et ce, à l’issue d’un appel à candidatures, est une nouveauté. Au-delà de toute autre considération que les autorités mettront en avant dans le choix des hommes et des femmes engagés pour le développement du Sénégal, le critère de la compétence pourra faire son effet. L’idée est donc à encourager.
Il reste que des questions subsistent. Les directions pour lesquelles des titulaires viennent d’être nommés par le Président Bassirou Diomaye FAYE seront-elles exclues ou inclues dans le décret ? Gardera-t-on cette réforme pour le menu frétins ? S’il est évident que chaque direction compte et répond à un besoin précis, l’on peut aussi s’entendre sur le fait qu’elles n’ont pas toute la même envergure et influence. La compétence technique sera-t-elle le critère prépondérant ou d’autres considérations comme une gestion précédente, entreront en jeu.
Attendons donc ce décret et espérons qu’il soit pris dans de meilleurs délais. Et puis, si l’expérience s’avère concluante, une extension à divers autres secteurs pourrait être envisagée. Pourquoi pas.