[230]. Ces facteurs qui plombent les campagnes agricoles au Sénégal
Les campagnes agricoles au Sénégal a mobilisé tous les acteurs pour la réussite de celles-ci. Si, comme à chaque année, beaucoup d’argent est injectée par les acteurs publics et privés, des manquements structurels subsistent. D’une campagne à l’autre, on scrute le silence, les prix des intrants, le discours des techniciens et la fixation du prix. Chaque année, d’une campagne à l’autre, les mêmes effets sont relevés parce que les mêmes causes subsistent.
En posant le débat avec nos invités, nous avons souhaité en savoir plus. Nous étions particulièrement intéressés par les éléments structurels qui plombent année après année cette campagne. Et nous en avons retenu trois, à travers ce résumé des discussions.
Ce dimanche 26 juin 2022, nous avons reçu sur le Divan citoyen les ingénieurs agricoles Abdourahmane DIOP et Mouhamed SECK. Au menu de notre dialogue, nous avons discuté de la pluviométrie, des intrants, de la collaboration entre les acteurs, etc. Nous avons également évoqué nos vulnérabilités par rapport au contexte international mais qui ne sont pas les seuls maux qui impactent la campagne agricole au Sénégal.
Ce qui suit est un résumé de notre conversation avec des experts et des producteurs. Si vous souhaitez y contribuer, veuillez nous laisser un commentaire.
Une gestion non maitrisée de l’eau
Une eau suffisante est un facteur déterminant dans la réussite d’une campagne agricole au Sénégal. Heureusement que cette ressource n’est pas rare puisqu’en dehors de la pluie, le Sénégal est traversée par trois fleuves. Cela devrait nous garantir une disponibilité à forte quantité durant trois/quatre mois et une alternative durant la saison sèche.
Il ne suffit cependant pas que l’eau soit disponible. Il faut qu’elle soit accessible et utilisable et c’est à ce niveau que trois défis se posent à nous.
Le premier est lié à la conservation de l’eau. Ces dernières années, le Sénégal a enregistré une pluviométrie importante. Cela rend disponible sur trois ou quatre mois, une importante quantité d’eau. Elle se raréfie cependant aussi vite que la saison des plues s’estompe comme l’a rappelé un intervenant. C’est pourquoi d’ailleurs, le projet « Un million de citernes pour le Sahel » de la FAO est salutaire. Il permet à terme aux agriculteurs et pasteurs de collecter et conserver de l’eau de pluie sur une longue période. On parle de l’eau de boisson.
Le second est lié à la concurrence des industriels et la forte sollicitation de la nappe phréatique. Il est important selon un intervenant de distinguer l’eau de boisson et l’eau de production. La précision est importante et renvoie à une pratique qui commence à produire ses effets, négatifs. Il est observé que des industriels se branchent sur les forages pour s’approvisionner en eau, en concurrence des ménages. Ce pompage en grande quantité a une incidence sur la nappe phréatique et sur la disponibilité de l’eau de boisson dans les puits.
Le troisième défi dans la gestion de l’eau est relatif aux méthodes d’arrossage. Beaucoup de producteurs qui s’adonnent au maraichage ne savent pas quantifier le volume d’eau nécessaire à une surface. Il arrive donc très souvent que l’excès d’eau qui résulte d’une mauvaise appréciation impacte sur la qualité du produit. On donne au sol ou à la plante plus que de besoin.
Un trop gros fossé sépare les ingénieurs des producteurs
Le mot est revenu plusieurs fois dans les discussions. La distance entre les techniciens et producteurs s’élargit de plus en plus. Et une campagne agricole au Sénégal devrait offrir l’opportunité à ces deux acteurs de se rencontrer, se comprendre et travailler ensemble.
L’accompagnement des producteurs permettra de résoudre une première difficulté liée à la gestion de l’eau et l’usage de l’engrais. Un intervenant a souligné un point crucial : l’engrais a un effet accélérateur de production du fait de la molécule utilisée. Il nécessite également un bon dosage et surtout une quantité sans cesse augmentée. Par exemple, si dans un périmètre, un producteur utilise un sac d’engrais, il lui en faudrait deux voire trois lors d’une prochaine saison.
Sur le dosage comme sur le type d’engrais, peu d’informations reste accessible au producteur lamnda. Cette maitrise de la ration espace cultivable – type de semence – quantité et type d’engrais est essentielle pour assurer une production en qualité et quantité. L’éducation ou la formation du producteur est un intrant essentiel.
Il est vrai que le Sénégal assure la formation d’ingénieurs agricoles. D’ordinaire, l’Ancar met sur le marché environ 50 à 100 paysans par an, ce qui reste insuffisant au regard des besoins. La disponibilité des ressources matérielles est un autre défi de taille puisque certains peinent à assurer leur déplacement vers diverses contrées du Sénégal.
Dans les cas où le contact avec les producteurs est établi, des difficultés peuvent encore émerger. Une question centrale se pose : comment entrainer les producteurs vers un changement ? Il suffira de prêcher par l’exemple afin d’amener les uns à abandonner des pratiques millénaires. L’institution de producteurs pilotes sera une alternative qui permet de mobiliser les uns afin de générer un effort d’entrainement des autres.
Prêcher par l’exemple en vue d’introduire les technologies dans l’agriculture. Pour ce faire, whatsapp semble être un bon outil de vulgarisation des connaissances et techniques agricoles. Il peut être déterminant dans la communication, par audio ou vidéo et en langue locale, des informations sur les semences, engrais et leur usage.
Créer des débouchés pour les producteurs
Une fois qu’un producteur aura réussi une bonne maitrise de l’eau et obtenu les informations d’usage sur les intrants, il aura bien évolué. Tout n’est cependant pas encore au point puisqu’il aura également besoin de vendre son production. Régulièrement cependant, l’on relève à travers les média, les productions qui pourrissent faute d’acquéreurs. L’absence de débouchés est donc le troisième handicap de l’agriculture au Sénégal
Le premier argument de la vente est déjà l’assurance de la qualité du produit. Comme l’a indiqué un intervenant, il est important que le produit mis sur le marché puisse répondre aux cahiers des charges des industriels qui achètent en grande quantité. A ce niveau, une réelle communication est nécessaire et elle pourra être facilitée par une structuration des organisations de producteurs.
Les chambres de commerce et d’agriculture peuvent également jouer un rôle important. Elles constituent déjà un point de convergence entre les producteurs et les industriels acquéreurs et peuvent même aller au delà de la mise en relation. Dans les principales zones agricoles, de petites unités de transformation peuvent être implantées. Celles-ci pourront capter la partie de la production pour en faire des produits dérivés.
Ces initiatives privées auront cependant besoin d’un cadre formel et d’un accompagnement institutionnel pour se déployer à une large échelle. C’est donc à ce niveau que l’action des pouvoirs publics est la plus sollicitée.
Cet écosystème, au delà des emplois et spécialisations qu’il génère, permettra au producteur d’avoir suffisamment de ressources. Il aura de la ressource pour produire de la qualité, pour vendre, pour transformer et investir sur une plus large échelle. Et c’est à notre portée