[14]. Devenir « Diallo Banana », mode d’emploi
Il est connu que le commerce des fruits au Sénégal est tenu par les membres de la communauté guinéenne appelés communément Diallo Banana. Leur stratégie d’implantation est presque géniale et nous y revenons en détails.
Tay nak, je vais vous entretenir d’un sujet spécial qui concerne nos voisins « Diallo Banana ». Cette dénomination assez singulière reste très amicale et son origine m’a été expliquée par mon oncle Massamba.
Selon Tons, l’expression est une combinaison de deux termes. « Diallo » est le nom de famille donné à tout type provenant de la Guinée Conakry, même si vous en portez un de différent. Et donc pour nous, seuls les prénoms varient, de Mamadou à Woury. Quant à « banana », c’est le fruit que cette communauté vend en priorité. Diallo banana est une formule toute trouvée.
Les Diallo banana passent le plus clair de leurs temps dans la rue et y restent tant qu’il y’ a âme qui y circule. C’est une communauté tournée principalement vers le commerce de fruits, avec un sens développé des affaires. Chez le Diallo Banana, votre 5F a la même valeur que le 500F, c’est de l’argent et un bénéfice reste un bénéfice. Par conséquent, l’étal fruité qui s’offre à la vue est le résultat d’un long labeur.
Dadj condané amoul pertement
Mais kham nga sénégalais mom dafa doy war. Nous, on aime les choses qu’on sème, qui poussent et qu’on récolte à la minute qui suit. La patience est généralement un vilain défaut chez nous autres. Parallèlement, on aime investir dans ce qui marche déjà. Pourquoi se casser la tête à réfléchir? On duplique ce qui a déjà marché ailleurs pour gagner du temps et de l’énergie. Sympa non?
Je ne doute pas que des sénégalais seraient tentés d’entrer dans ce commerce. Et ben, nous n’avez pas besoin de recourir à un expert en marketing. Je vous livre gratuitement le mode d’emploi.
Lire attentivement la notice avant de démarrer
- Paramètres d’installation.
Faites un petit tour au niveau du quartier dans lequel vous souhaitez vous installer et repérez une rue passante. Il est préférable d’avoir ses quartiers au niveau du croisement d’une rue principale et secondaire. Si vous êtes dans un quartier résidentiel habité par une bourgeoisie moyenne, c’est l’idéal. Eux, ils aiment les fruits et ont les moyens de s’en payer quelques kilo.
Evitez les zones à revenus extrêmes. Les habitants des quartiers démunis ne sont pas de meilleurs clients. Ils vous demanderont souvent de leur faire un crédit qu’ils ne remboursent pas. Le pire, c’est qu’ils passeront leur temps à squatter votre étal et à dévorer vos fruits du regard. Si vous n’êtes pas intéressé par leur amitié, ils vous feront la poche et vos fruits avec.
Evitez également de vous installer dans les quartiers huppés. Eux, se ravitaillent au supermarché. Déjà qu’ils n’aiment pas voir les gens traîner ou s’installer au niveau de leurs coins de rue. Et d’ailleurs, ils n’auront pas confiance en vos fruits trop exposés à la vue des passants, au soleil, à la poussière et aux microbes.
- Choix de votre table
Disposez d’abord une table moyenne avec un paravent ou un parasol qui vous protégera du soleil. Une table trop grande occupera trop d’espaces et donc tout de suite encombrante. Les agents de la municipalité vous auront à l’œil trop vite alors que vous n’avez surement pas de permis d’occuper.
Veillez aussi à ce qu’elle ne soit pas trop petite. Les clients douteront de votre capitale et votre crédibilité. Et surtout, ils se diront que vous comptez sur leurs achats pour développer votre business. Ici on n’aime pas savoir que d’autres s’enrichissent sur notre dos ou avec notre portefeuille. Même s’il faut le faire, ce doit être diffus et discret.
Votre objectif premier doit être d’exister, d’être là sans qu’on s’en rende compte, qu’on vous voit comme une normalité. Une fois que vous commencerez à grignoter de la clientèle, variez d’abord l’offre de fruits pour que cela prenne de l’ampleur. On ne vous en voudra pas de renforcer les couleurs avec une diversité de fruits et légumes.
- Positionnement
Prenez soin de placer votre étal de façon à être dans le viseur des piétons et des automobilistes afin de susciter leurs envies. La diversité des couleurs qui tapent à l’œil est un outil redoutable de marketing. Ne vous installez surtout pas sur le trottoir ou alors laisser une marge pour permettre aux piétons de passer et de profiter de l’odeur de la pomme et de la banane.
- Taxes
Si vous avez suivi une procédure régulière, c’est que vous disposez d’une autorisation d’occupation temporaire et révocable. Si vous n’y avez pas pensé, soit par paresse ou par ignorance, c’est pas grave. Ici on contrôle pas ou alors le suivi fait défaut et vous avez donc peu de chance de recevoir la visite d’un agent de la municipalité.
Si par hasard ou parce qu’il a des vues sur votre commerce, il vient à vous pour vous faire payer le djouti, la taxe journalière, passez sans hésiter à la caisse. Et surtout n’insistez pas s’il hésite ou ne souhaite pas vous délivrer un reçu. Entreprenez une discussion d’humour et avec votre accent, il en rira et partira, jusqu’à la prochaine tournée.
Ah la police! Zut alors. Avec eux, il faut la jouer serré. Ils débarquent munis d’ordre de déguerpissement et avec les pelles et camions, tout y passe : tabliers, kiosques à journaux, vendeurs de moutons. Vous voyez un peu l’ambiance. Sachez donc que votre plus grande menace restera ces opérations.
Je vous dirais dans mes prochains post les astuces pour contourner cet écueil, juste le temps de vérifier si c’est légale de filer ces infos.