[87]. Freins de l’entrepreneuriat en Afrique francophone
Selon l’enquête de Forbes sur l’entrepreneuriat, les 30 premiers entrepreneurs africains sont localisés dans la zone Afrique anglophone. Voilà l’explication.
J’avais promis aux amis sur Facebook de faire un résumé de nos échanges en oubliant qu’être francophone, c’est savoir palabrer. 238 commentaires ont été enregistrés dans cette discussion avec de belles réflexions. Vous pouvez encore retrouver Qui a dit Quoi si vous souhaitez approfondir un sujet particulier.
La crédibilité de ce classement a naturellement été une question qui nous a interpellé. Fait-on ce classement pour attirer plus d’investisseurs? Pour donner plus de crédibilité à un système? Pour encore diviser les africains ? Même si des enquêtes et sondages profitent généralement à ceux qui les commanditent, cette réalité est-elle fausse et subjective? Pas sûr.
Pourquoi la rivale francophone s’est faite damer le pion dans ce domaine ? Entrepreneuriat vous avez dit ? Wikipédia le définit comme l’action de créer une entreprise dont la conséquence est la création de la richesse et/ou de l’emploi. Nous parlons ici donc d’initiatives de création de valeurs, de production et de transformation.
Sans prétention aucune, nous avons quand même estimé devoir évoquer certains éléments. D’ailleurs, beaucoup d’études, de documentation (texte, vidéo) et d’interviews d’hommes d’affaires ont essayé d’éclairer ce phénomène. Vous en trouverez certains dans les échanges.
Les situations que nous décrivons ici collent à une réalité directe sénégalaise. N’empêche que vous trouverez des similitudes dans l’essentiel des autres pays francophones d’Afrique. N’hésitez pas à nous dire si votre réalité est quelque peu ou fondamentalement différente.
Entrepreneuriat : les défis et opportunités
Avons-nous des exemples innovants en entrepreneuriat ? Nos Baol-Baol le sont-ils ou évoluent-ils davantage dans le commerce et l’importation ?En tous les cas, ils sont dans une stratégie pleine d’enseignements: partir de peu, affiner au fur et à mesure jusqu’à asseoir une structure financièrement solide.
Parle t-on d’idées ou de projets en entrepreneuriat ? Il se dit que nous avons généralement de belles d’idées mais qui n’aboutissent pas en projets bancables. Il est donc nécessaire que la transformation se fasse, de préférence avec l’appui d’un expert qui pourrait orienter, approfondir et accompagner.
Ah la palabre! Conceptualiser et discourir sur les choses sont des habitudes bien francophones. Il s’est dit d’ailleurs que nous réfléchissons mais laissons aux autres le soin de mettre en oeuvre. Caricaturale ? Toujours est-il qu’on gagnerait à regarder nos montres et à apprendre du pragmatisme des autres.
Quelle place pour l’éthique et la morale ? Un business halal a-t-il des chances de se développer notamment dans le cadre de la finance islamique ? En attendant de savoir en quoi leur conception de la valeur capitale et du travail est différente de la finance classique, notons d’emblée que l’arnaque est la plus belle forme d’entrepreneuriat.
Profiter donc des opportunités d’échanges reste fondamentale. Les salons et forums sont des moments par excellence pour trouver son réseau et y développer des possibilités. Le réseau est vital pour l’entrepreneur. Il lui offre des possibilités de partenariat, un carnet d’adresses et l’accès à des informations stratégiques.
Même si on n’a pas besoin d’être super intelligent pour entreprendre et réussir, on doit cependant admettre que l’offre de formation a une grande importance lorsqu’elle répond aux besoins. Il faudrait donc sensiblement améliorer les systèmes et former les auditeurs à l’entrepreneuriat plus qu’au management.
Entourage et environnement dans l’entrepreneuriat
Nous mesurons à sa juste valeur le rôle fondamental que peut jouer la famille dans le soutien apporté à l’entrepreneur, depuis l’idée de projet jusqu’à sa réalisation. Nous évoluons cependant dans un environnement tourné vers le confort et l’exhibition (bonnes études, bon job, belle maison, belle voiture) et peu vers la prise de risques.
Ces biens matériels exhibés montrent à suffisance notre manque de culture entrepreneuriale parce que cet argent investi dans le « m’as-tu vu » aurait pu servir à financer des projets. Déjà que peu d’entre-nous pouvons compter sur un entourage qui encourage, qui soutient et fait croire que c’est possible. Par ailleurs, dès que cela tarde à décoller ou que les difficultés surgissent, on abandonne.
Nous avons clos notre diatribe avec ces mots de l’égyptien prix Nobel de chimie Ahmed Hassan Zewail: « L’Occident n’est pas plus intelligent que nous, sauf que dans la culture occidentale, ils soutiennent celui qui échoue jusqu’à ce qu’il réussisse, et nous on massacre celui qui a réussit jusqu’à ce qu’il échoue. » Un changement fondamental de paradigme s’impose.
La discussion quant à elle s’est poursuivie sur la place de la langue française. Est-elle entrepreneuriale? Il est de notoriété qu’en beaucoup de domaines, le meilleur de ce qui se lit ou s’écrit est en langue anglaise. Cela pourrait expliquer en partie la longueur d’avance des pays anglophones comme l’Afrique du Sud, le Ghana, le Kenya ou le Nigéria.
Savoir manier d’autres langues est donc une donnée fondamentale si on veut mettre en oeuvre et réussir son projet de développement sur l’international. Tout bon entrepreneur devrait pouvoir entrer en commerce avec des clients, fournisseurs ou employés utilisant une langue différente. L’anglais est devenue la langue de la mondialisation et du business.
Quel encadrement pour la promotion de l’entrepreneuriat ?
Il nous faut nous arrimer à la tendance générale en nous appropriant des bonnes pratiques en cours dans les pays anglophones. Il nous faut également pouvoir compter sur nos pouvoirs publics, ne serait-ce que dans la mise en place de cadres propices.
On note une tendance pour les incubations. En principe, les incubateurs peuvent être pertinents pour l’entrepreneur. Par contre sur le long terme le besoin de rentabilité peut prendre le dessus sur le rôle primordial de structuration et de formalisation. Ils auront tendance à garder ses petits pouces à fort potentiel et à devenir mère poule.
Dans la promotion de l’entrepreneuriat, l’Etat peut expérimenter à grande échelle des couveuses de très petites entreprises. Ils devront donc être les premières interfaces obligatoires des porteurs d’idées et de projets. On y arrivera par la mise en place de dispositifs d’incubation de six mois pour sensibiliser, former et coacher.
A la suite, on pourra envisager des couveuses d’entreprises. Ne pourront y accéder que les projets ayant une maturité dans le cadre du dispositif pré-incubation ou d’incubation. Durant deux à trois ans, ils entreront en phase d’exécution dans un environnement intégrant l’ensemble des acteurs publics de soutien.
Au Sénégal, on peut énumérer des structures financières ou non et des bureaux dédiés à l’entrepreneuriat. Celles-ci pourront encadrer et accompagner le développement des entreprises naissantes jusqu’à leurs phases de maturité. Un troisième dispositif sera là pour les accueillir et les orienter.
L’atteinte des objectifs nécessite une réelle politique et une ferme volonté des pouvoirs publics. A ce jour, il y’ a cette position ambiguë qui consiste en la mise en place de structures de promotion tout en accueillant à bras ouverts des multinationales qui finiront par annihiler ces initiatives.