[33]. Quand l’erreur médicale devient un fait divers
Erreur médicale et irresponsabilité pouvait être le titre de ce billet qui évoque le traitement des malades dans les hôpitaux. Aujourd’hui, chaque famille peut décrire une situation malheureuse à laquelle elle a été confrontée. Il cependant qu’à ce jour, aucune action judiciaire n’a été entreprise pour une correction de ces bavures.
Je reviens ce mardi sur un sujet de préoccupation qui nous interpelle dans notre vie sociale. Nos compatriotes, c’est connu, n’ont eu de cesse de décrier l’accueil et la prise en charge dans le milieu hospitalier. Jusque là, peu ou point d’amélioration.
Pour info, Dakar accueille ce 26 juin 2014, le sixième (6e) Salon international de la santé et du matériel médical sur « la santé, facteur d’émergence économique et social ». C’est un rendez-vous très couru par les professionnels et éminences grises du monde médical. Il me semble cependant que ce Salon n’aura aucun impact sur nos préoccupations quotidiennes en matière d’amélioration dans les prestations médicales.
Je ne m’attarderai pas sur les « faits divers » publiés à longueur de journée dans les médias. Comme tels d’ailleurs, ils créent l’émoi au sein de l’opinion mais durent le temps d’une parution. Ces malheureuses histoires de pertes en vies humaines vont, si nous n’y prenons garde, devenir banales. On oublie tout et on recommence.
L’horreur au cœur des erreurs médicales
C’est quand même bon de revenir sur quelques unes de ces histoires.
Passons sur ce patient indigent qu’aucune structure n’a accepté de prendre pour des soins d’urgence, traîné d’hôpital en hôpital par les ambulanciers jusqu’à ce que mort s’en suive. C’est probablement lui le fautif. On ne tombe pas malade dans ce pays lorsqu’on est pauvre, sans garantie ni relations.
Relevons ces outils chirurgicaux « égarés » dans le ventre d’un patient par des infirmiers préposés aux soins post opératoires. Il est rentré avec ses « intrus » avant de mourir d’infections et de complications. Aujourd’hui encore, nul ne sait qui est à l’origine de cet oubli. On avait promis une enquête et on attend toujours.
Passons sur cette femme qui a perdu la vie au moment d’accoucher. Les « sages » femmes de la maternité avaient minimisé ses cris de douleur au moment de la délivrance. Tout ce qu’elles avaient comme réaction, c’était de dire « bim koy def dafa nékhone, boum niou sonal ak ay youhou« . Le bébé était déjà mort. Elle le suivra.
Et comme de coutume, on efface tout et on recommence.
Chacun de nous a une histoire tragique vécue par un proche ou une connaissance: sentiment d’impuissance, traumatisme, dégoût, rancœur et amertume ponctuent ces séjours
Le Dr Abdoul Kane dans son roman « la vie sur un fil. Nouvelles de mon hôpital » nous fait revivre certaines de ces tragédies qui finalement nous deviennent familières et donc ne choquent plus. A travers les lignes et tout au long du livre, j’ai cherché la solution à ce fléau, ce matay qu’on nous impose. Peut être que ce n’était pas son objet.
L’information majeure que j’ai tiré de cette lecture est néanmoins l’existence d’une charte du malade. Eh oui, ça existe.
#la_vie_sur_un_fil Charte du malade dans les établissements publics de santé hospitaliers régit par l’arrêté 5776 MSP/DES du 17 juillet 2001
— El hadj Abdoulaye (@bdulaye) 25 Décembre 2013
Nous reviendrons plus en détails sur cette charte et ses implications.
Hasardons-nous cependant à esquisser une solution à ce fléau. Nous ne pouvons pas continuer à croiser les bras sur ces pratiques ni à laisser impunis leurs auteurs.
Nul coupable, nul responsable
Ce fameux ndagalou Yallah a ses limites, d’ailleurs, Yalla Yalla bay sa tol. Il nous faut donc faire la part des choses entre ce qui relève d’une mort naturelle et les homicides par négligence. Cheikh Lô disait d’ailleurs que « lou xew lou xew niouné dogal, yéneu yi daal dou dogal sama way!« . Aythia
Cette étape franchie, nous devrons également mettre de côté ce qui relève d’une insuffisance structurelle ou logistique et liée notamment à l’absence ou à la vétusté du matériel médical, rendant impossible toute intervention.
Et à ce niveau d’ailleurs, nous devrons être prêt à indexer l’autorité qui a failli. L’accès au soins de santé primaire est un droit reconnu aux citoyens sénégalais et l’affectation d’une partie de nos ressources financières au relèvement du plateau médical doit être l’affaire de tous parce que nul n’est à l’abri d’une maladie.
Il nous restera ensuite à être plus exigeants avec le traitement que nous réservent les personnels du milieu hospitalier. Beaucoup de négligence se perpétuent parce que leurs actes restent impunis, les poussant à accorder plus d’attention à Facebook et aux émissions télé qu’au sort du malade, même agonisant.
Hormis quelques téméraires qui réagissent à chaud et de manière plus ou moins violente (physiquement ou oralement) devant le « mépris » affiché par des agents, qui du reste sont payés pour servir, la majorité s’en remet à Dieu, à ses anges et à la fatalité. Ba kagn?
Recourir aux mesures fortes
Je reste persuadé que le recours à la justice est une opportunité qu’il nous faut au moins tester. Il faut que les parents des victimes initient des plaintes contre les auteurs de ces matey. Donnons au juge l’opportunité d’arbitrer ce conflit qui nous oppose parce que la loi est là pour situer les manquements et sanctionner.
Il faut qu’on arrive à les contraindre, oui les contraindre à voir en nous des individus dignes d’intérêt. On ne perd pas sa dignité juste parce qu’on est malade, pauvre et bon à mourir, ce n’est pas juste. Vous nous faites mal et il faut que vous le sachiez, ce n’est pas humain.
Mais personne ne réglera ce problème à notre place. En omettant d’agir, on se rend coupable et responsable de ce qui nous arrive. En flânant un peu sur Facebook, je suis tombé sur un groupe dénommé Négligence Zero (NO) dans les services hospitaliers du Sénégal. Je vous invite à y faire un tour.