15 octobre 2024

[229]. Le football local sénégalais sous l’emprise de ses démons

 [229]. Le football local sénégalais sous l’emprise de ses démons

Malgré les tares qui semblent plomber les clubs et la Ligue professionnelle, diverses démarches sont entreprises. Elles visent à renforcer la gouvernance interne des instances en vue d’un meilleur respect des cahiers de charge et une amélioration des capacités à mobiliser des ressources humaines, techniques et financières.

Le débat sur le football local sénégalais nous a conduit à une conclusion sans appel : le vers est dans le fruit. Aussi bien au niveau des clubs qu’au sein de la ligue sénégalaise de football professionnel, il faut asseoir une réforme. Celle-ci devra viser non seulement l’application des règles existantes mais prendre en compte les réformes organisationnelles.

Pour parler du football local sénégalais, nous avons reçu en conversation sur le Divan citoyen Chérif Sadio, journaliste et directeur du développement de Casa Sports et Babacar Ndaw Faye (BNF), journaliste également et rédacteur en chef du site d’informations emedia.

Ces mots qui suivent constituent le résumé de nos discussions. Si vous souhaitez vous aussi vous exprimer sur le sujet, nous vous encourageons à le faire en commentaire.

Nous avons ouvert une large fenêtre sur la performance et les défis du nouveau champion du Sénégal avec Chérif Sadio. La réalité au sein du Casa Sports n’est pas très éloignée de la situation que vivent la plupart des équipes de football de la Ligue 1. Du fait cependant des politiques et stratégies mises en œuvre, Casa peut servir de laboratoires et de moteur du football local sénégalais.

Casa Sports, nouveau laboratoire du football local sénégalais ?

Le Casa sports a gagné le championnat 2021-2022 parce que la Casamance a toujours eu de très bons joueurs :-). Ensuite, note Cherif, le club investit beaucoup dans l’encadrement pour de meilleures performances. Le Casa sports n’est pas le premier club champion du Sénégal, note Chérif. Et l’expérience montre qu’il est encore plus difficile de rester champions sur plusieurs saisons d’affilé.

Le club s’y prépare cependant et des décisions de management importantes devront être prises. Cela est d’autant plus important que le Casa sports va participer aux compétitions africaines grâce à son nouveau titre. Ces décisions vont notamment concerner l’effectif de l’équipe de football face à l’inexpérience de la compétition internationale ou encore le renforcement des capacités de mobilisation financière.

Si le club veut s’inscrire sur une trajectoire de performance, il faut des stratégies pour supporter les charges. Pour la saison écoulée, la masse salariale du club a atteint 13 millions, comparé aux 20 millions reçus de la LSFP avec le titre de champion du Sénégal.

C’est à ce niveau que le développement de partenariats est crucial pour le sponsoring et le merchandising. A ce titre, AIBD a alloué au club 75 millions au titre du partenariat signe avec le Casa Sports. Ce mécanisme doit être renforcé grâce à un modèle de management performant.

Le club devra également, dans sa politique sportive, accorder une plus grande attention à la gestion de la petite catégorie. N’ayant pas encore une académie qui allie sports et études, d’autres mécanismes doivent être mis en place afin d’assurer au club un grenier de jeunes joueurs bien formés.

D’ailleurs, BNF note qu’il est important que la Ligue soutienne davantage les clubs qui font l’effort d’aligner d’autres équipes en plus. Cela peut stimuler davantage les équipes à respecter leurs engagements contenus dans leurs cahiers de charges.

Une ligue, confortablement installée sur les gradins ?

La Ligue Sénégalaise de Football Professionnel (LSFP) a été instituée pour hisser davantage le football local sénégalais vers une réelle professionnalisation. Un coup d’œil rapide donne une idée des obligations qui pèsent sur les clubs. Dans un dossier consacré au football local sénégalais, Seneweb revient largement sur ces points.

Les clubs sportifs professionnels doivent disposer de formateurs qualifiés et de joueurs avec des contrats homologués. Ils doivent en outre disposer d’un minimum d’équipes de jeunes, de joueurs amateurs et de joueurs professionnels. La déclaration des joueurs auprès de l’administration fiscale, des organismes d’assurances sociales et de retraite doit également être de rigueur.

Selon les termes de l’accord, le non-respect des obligations contenues dans le cahier des charges entraine une sanction. Le club peut ainsi être privé de participation aux championnats professionnels. Selon BNF, le LSFP ne veille que peu cependant à l’application des textes. Il est vrai qu’au risquerait d’avoir un championnat à moins de 10 clubs de football si elle décidait de faire appliquer les textes.

Le manque de politique sportive est également fortement décrié par les acteurs. Cela rejaillit ainsi sur le soutien dont devraient bénéficier les clubs aussi bien en termes d’accompagnement que de contrôle. Sur le plan financier par exemple, la Ligue qui devait soutenir la Fédération sénégalaise de football est continuellement déficitaire. C’est aussi une conséquence du manque d’initiatives et de capacités managériales au niveau de l’instance dirigeante.

La double représentation des dirigeants au niveau des clubs et de la Ligue peut avoir un effet négatif sur le management. Cela influe notamment sur le prononcé ou l’application de sanctions puisque les mêmes acteurs sensés prononcer ses sanctions seront les mêmes à les subir. Ce n’est pas l’envie de bien faire qui manque aux dirigeants. Il reste établi que les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Quid du statut du joueur et de l’entraineur

Comme indiqué plus haut, chaque club doit faire signer et homologuer les contrats avec les joueurs et entraineurs. De l’avis de nos invités, il n’y a pas de véritable statut du joueur ou de l’entraineur au Sénégal. Le traitement dont ils font l’objet dépend de l’entité sportive. Vous pouvez trouver dans un même club, des joueurs qui sont payés régulièrement tandis que d’autres reçoivent de temps à autre un peu d’argent du dirigeant.

Tout dépend finalement de l’encadrement du joueur, de son talent et du club concerné. Dans ce registre, les entraineurs sénégalais ne sont pas mieux lotis en termes de salaire ou de statut, tant au niveau des clubs que des équipes nationales.

Les horaires d’entrainement des clubs de football poussent également les joueurs à opérer un choix entre le sport et les études. L’essentiel des clubs sénégalais s’entrainent le matin à l’heure où les élèves sont censés faire cours. C’est la raison pour laquelle BNF soutient l’idée d’un retour du sport à l’école.

L’absence d’un statut du joueur impacte également sur le déroulement du mercato. Oui, il y’en a un dans le football local sénégalais et les dates d’ouverture et la clôture du marché du transfert fait toujours l’objet d’une note interne de la LSFP. Le défaut de contrôle et l’absence de communication place les joueurs à la merci de certains dirigeants de clubs.

Ces derniers peuvent tantôt jouer aux agents pour opérer le transfert au nom et pour le compte du joueur. D’autres encore peuvent, parce qu’ils ont sont à la tête d’un nouveau club, faire signer un joueur sans que son club d’origine ne soit impliqué.

Par ailleurs, rendre visible les performances des joueurs constitue un des moyens de leur donner de la visibilité et donc renforcer leur statut.

Droits de diffusion dans le football local sénégalais

Le constat est alarmant. Durant toute la saison 2021-2022, aucun match de championnat ou de la coupe du Sénégal n’a été diffusé à la télévision. Pourtant, la LSFP a signé un contrat de diffusion avec la RTS, même si peu d’informations sur la durée et les modalités est disponible.

Et d’ailleurs, dans les cas où la RTS diffuse les matchs de football, c’est trois caméras qui sont positionnés. Cette manière de procéder n’offre pas assez de spectacle pour que le public soit encouragé à regarder. De l’avis de BNF, aucune des télévisions au Sénégal n’est en mesure de couvrir tous les matchs du championnat avec la qualité de production requise. Des propositions sont sur la table cependant.

La première vise une coproduction entre les télévisions intéressées à la diffusion des matchs de la Ligue 1. Elles pourront par exemple combiner leurs ressources techniques et financières pour une production de qualité du championnat. Dans ce schema, chaque média pourra diffuser un nombre de match correspondant à sa contribution.

La Ligue professionnelle pourrait également disposer de sa propre unité de production avec ou sans une licence de diffusion. La chaine de la ligue pourra diffuser sur sa propre chaine ou en ligne avec un système d’abonnement annuel. Cette proposition de Chérif sera complétée par la mise en place d’un pass Ligue 1 auprès des opérateurs.

En attendant que les choses se mettent en place, des clubs diffusent leurs matchs via leurs chaines Youtube. C’est le cas de Casa Sports TV

Travailler, ensemble, au niveau de la base

S’engager au niveau de la base, au sein des clubs afin d’y apporter le cas échéant l’expertise qui manque. Et chacun d’entre nous est en mesure de le faire sur la base de ses compétences et savoir-faire. Il est communément admis par certains cercles que la gestion du football doit être le fait des férus du ballon rond.

S’il est nécessaire d’avoir un intérêt pour le football, il reste constant que toutes les spécialités doivent pouvoir intervenir dans le management du football. Il faudra cependant bousculer les habitudes surtout que beaucoup de dirigeants revendiquent une légitimité basée sur leur ancienneté dans le club.

La création de clubs qui découle de la frustration de dirigeants ne rend pas toujours service au football local sénégalais selon BNF. Certains clubs n’ont été crées qu’en réponse à l’insatisfaction d’un dirigeant ou d’un groupe. Dans ces conditions, aucune entité sportive n’aura réellement les ressources, les stratégies ou les infrastructures pour développer un club.

Le football est une activité ouverte à tous les métiers : psychologie, marketing, management, droit, mécanique, etc. Il est donc important que les personnes ressources habitant une zone investissent les clubs. Si vous êtes une personne ressource, analysez l’action du club et soumettez des propositions à l’instance dirigeante. Chérif suggère d’ailleurs dans ce sens la mise en place d’un système de revenue sharing sur le sponsoring ou le merchandising

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