[181]. L’hôpital de Ninéfécha ou la conspiration du silence
Ninéfécha, l’hôpital de Ninéfécha. Voici une infrastructure qui a réussit à sortir un village de l’anonymat pour la faire connaitre hors de nos frontières. Du jour au lendemain, les populations se sont réveillées avec uns structure de santé à la pointe de la technologie. Du jour au lendemain, elles vont vu ce que tout un pays leur enviait, tomber en ruine, sans aucune explication.
Même en rêve, elles ne l’auraient pas imaginé. Cela est pourtant arrivé, malgré les alertes, malgré les engagements de responsables politiques et gouvernementaux. L’hôpital de Ninéfécha est aujourd’hui comme un amas de briques hanté,
Dans une interview publiée par nettali.net le 30 juin 2009, Mme Viviane Wade justifiait l’implantation de l’hôpital de Ninéfécha dans cette zone
J’ai choisi d’implanter un hôpital moderne à Ninéfécha pour faire une réparation. Les Bédiks ne sont pas très connus des autres ethnies du Sénégal. Avec cet hôpital, des jeunes de la localité m’ont dit qu’ils ont retrouvé leur honneur
Ce ne fut pas la seule explication. Lors de mon dernier séjour dans la localité, l’on me raconta une autre version. Il semble donc qu’un prêtre avait vu en songe l’accession de Abdoulaye Wade en songe. Lorsqu’il en informa Viviane Wade et que l’événement se produisit, il lui demanda d’où ce rêve lui était venu. Ninéfécha, lui répondit-il.
De là donc naquit une belle histoire d’amour entre Ninéfécha et Mme Viviane Wade. Rêve, réalité et ruine aujourd’hui. Pourtant, la ministre de la Santé de l’époque disait que « l’Etat verra la possibilité de le maintenir vu le bien qu’il apporte aux populations… »
Une si douloureuse expérience de vie
A la suite de l’élection de Abdoulaye Wade à la tête de l’Etat du Sénégal, la première Dame créa l’association Education – Santé. Avec le soutien de l’ancien ministre français de l’Intérieur, elle aux populations d’un centre hospitalier moderne. L’infrastructure bénéficia donc aux populations de toute la région Est du Sénégal.
L’hôpital de Ninéfécha n’était pas seulement fréquenté par les populations de Ninéfécha mais de toute la région de Kédougou et Tambacounda. Elles n’avaient plus besoin de faire des kilomètres de route pour venir faire un examen à Dakar ou à Kaolack. L’essentiel était désormais disponible, à proximité et pour le plus grand bien de nos concitoyens.
Pour faciliter le déplacement des patients, une navette Kédougou – Ninéfécha était organisée avec trois allers-retours par jour. Avec un ticket de consultation ou une prise en charge, tout membre de la communauté ou fonctionnaire y était traité. L’hôpital de Ninéfécha offrait des services de consultation en médecine générale, maternité, laboratoires et radiographies. Un service d’ambulance pour les urgences et les transferts y était également disponible.
Ce reportage de Dakaractu en novembre 2018 résume ce désastre 🙁
Dommage est en réalité assez minime pour exprimer le ressenti des populations et de tous ceux qui ont vécu cette situation. En janvier 2018, Ouestaf décrivit dans un article la fin d’une activité économique qui avait commencé à y naitre. Aujourd’hui, pour des raisons que nul ne connait, toute une partie de la population s’en voit privée.
L’abandon n’a pas seulement touché l’hôpital de Ninéfécha. Juste à côté, trônait un complexe éducatif avec école, cantine et dortoirs. Les élèves étudiaient ainsi dans des conditions optimales et les résultats ne se sont pas fait attendre. Il n’en reste aujourd’hui que les fers de literies, des portes éventrées et des excréments d’animaux.
Comment en est-on arrivé à cette situation ?
Par une lettre adressée le 25 juin 2013 à la ministre de la Santé Eva Marie Coll Seck, Mme Wade revenait sur les modalités de fonctionnement de l’hôpital de Ninéfécha. Elle notait que
Le ministère de la Santé a mis à la disposition de l’hôpital un personnel médical assisté par des contractuels locaux engagés par l’Association Education – Santé. Celle-ci assurait l’essentiel du financement des activités et a donc été dans l’obligation de mettre fin au contrat du personnel d’appui recruté.
L’Association Education – Santé est la fondation mise en place par Mme Viviane Wade, ancienne première Dame du Sénégal. Il est courant au Sénégal de voir les épouses de chefs d’Etat mettre sur pied des organismes pour aider les populations. J’ai relevé dans un billet précédent, l’action menée par Mme Marième Faye Sall avec sa structure « Servir le Sénégal ».
Elle poursuit:
Pendant un temps, l’administration de l’hôpital était assurée par un personnel dûment mandaté par le ministère des Forces armées. A la dissolution de l’Association, le matériel et les équipements ont été mis à la disposition du ministère de la Santé. Un inventaire du matériel mobilier et immobilier a été exécuté en rapport avec l’administrateur de l’hôpital.
A partir de ce moment, la décision de maintenir ouvert ou non l’hôpital n’est plus que du ressort du gouvernement. C’est à lui qu’incombe l’obligation d’assurer le service public de la santé à tous les citoyens sénégalais, où qu’ils soient. Ce sont des étrangers qui ont mobilisé des ressources pour construire cet hôpital, rien ne les y obligeaient. Une fois l’infrastructure fonctionnelle, que coûte une gestion ?
Pourquoi une telle indifférence ?
Depuis que l’hôpital a été abandonné à son sort, les populations avec, aucune autorité n’a daigné fournir une explication. Sur place, les bénéficiaires n’ont pu que constater cette situation, du jour au lendemain. Que leur reproche t-on ? Quelle faute ont-ils commis ? Ne sont-ils pas digne de fréquenter un hôpital décent, de jouir de soins de santé ? Est-ce parce que c’est lié à Abdoulaye et Viviane Wade ? En fin de compte devrions-nous en arriver à imaginer des réponses ou à nous poser des questions sans fin ?
J’ai honte de ce qui est advenu à l’hôpital de Ninéfécha, je suis en colère et très frustré. Oui, cela ne peut pas compter, cela ne leur fait rien de décevoir ces populations qui leur ont fait confiance. Qu’on soit clair, elles ont toujours été dignes et elles l’ont resté depuis lors. Aucune marche n’a été organisée, aucune casse, aucune vocifération. Elles ont été privées mais elles sont restées dignes.
Quelle honte ! quelle petitesse cet indifférence ! Le gouvernement du Président Macky Sall a investi cette zone avec le programme de la Couverture Maladie Universelle. Dans quelle logique ? Quelle est la pertinence de laisser cet hôpital en ruine et de proposer aux populations une CMU. C’est une grosse farce et elle n’est même pas drôle 🙁
Nous serons complices de cette mauvaise pratique tant que nous ne parviendrons pas à exiger des autorités qu’elles rendent compte. Il nous faudra obtenir des explications et surtout une justification, ce mutisme n’est rien d’autre qu’un manque de respect. Des dirigeants que nous avons élu, à qui nous avons donné nos impôts à gérer, pour qui nous subissons des contraintes, ne doivent pas nous manquer de respect. Je répète, ce mutisme sur ce qu’est devenu cet hôpital est un manque de respect notoire.