[75]. Y a-t-il un business des données autour du « message religieux » ?
Le business des données est un domaine en pleine évolution et divers artifices sont mis en oeuvre pour engranger le maximum de données. De base, une action orientée vers la promotion de la religion se trouve être un mécanisme singulier de mobilisation de données.
Nous sommes croyants et tout ce qui touche à notre foi nous interpelle. C’est notamment le cas lorsque des prescriptions nous revienent que nous recevons au quotidien. Ces messages sont généralement formulés avec une demande plus ou moins précise, quelque fois énigmatique ou délicats pour les âmes sensibles. Pour en avoir fait les frais, je pense pouvoir vous expliquer comment cet arnaque est organisé.
Nous étions en seconde année de fac et vers 17 heures, notre groupe d’amis était là à se prélasser après une journée de labeurs. Ces moments passés au banc public, servaient à libérer un peu plus nos esprits ou plutôt à les recentrer vers la dégustation du mbourou et du guerté thiaf.
A l’occasion, un homme d’âge mûr est venu nous présenter une feuille dans lequel on pouvait lire :
« Cette lettre nous vient de la Mecque. Elle a été rédigée par le gardien du mausolée du Prophète Mouhamad (PSL) qui a fait un rêve ».
Auteur-e encore inconnu-e
S’ensuit alors un exemples de prescriptions à notre endroit autour d’une histoire assez motivante. Le non respect de la consigne donnée pouvait nous mener loin et surtout dans rien de positif à première vue. Le monsieur avait une alerte toute faite à nous délivrer: la personne qui avait reçu ce message sans suivre la prescription avait été renvoyé de son travail. Par contre, celle qui avait suivi la prescription s’en était bien sortie.
J’ignore si sa venue à l’université en ce moment là, était due au hasard ou non du moment que nous étions à la veille des examens de fin d’année. Avec toute la vulnérabilité que cette période draine, après des journées et des nuits sans sommeil, se retrouver à réussir ou échouer du fait d’un message qu’on refuse d’envoyer. Ah non, j’étais pas suffisamment prêt à courrir le risque et puis que representait un « simple partage » face à ce que je risquais?
Ce qui est évident, c’est qu’en fin d’année, nous avions tous réussi nos examens. Reste à savoir si cette performance était liée à la « bonne action » que nous avions entreprise.
Un fondement religieux ?
Aujourd’hui encore, cet entreprise se poursuit de plus belle. Rien n’a fondamentalement changé, hormis les supports de vulgarisation et l’origine réelle ou supposée de ces rêves. Ce n’est forcément plus le gardien du mausolée du Prophète de l’Islam, parce qu’ils se disent qu’il y’a peut-être un numéro de téléphone par lequel on pourrait le joindre pour vérifier. Désormais, c’est par sms, emails et dans les réseaux sociaux que les choses se manifestent. Voilà le dernier reçu à date :
« S’il te plait, envoie ces 5 noms de Dieu à 15 musulmans. Crois mois, tes plus grands problèmes seront résolus. Ya Allah, Ya Karim, Ya Moujib, Ya Rahman Ya Rahim. Ne l’efface pas, essaies et tu verras ».
Auteur-e encore inconnu-e
Auparavant, un autre m’était parvenu, avec une prescription plus directe cette fois-ci :
« Envoie Asbun Allahou wani mal wakil à 24 personnes sauf moi. Walahi demain, une bonne nouvelle te réveillera. A ne pas négliger ».
Auteur-e encore inconnu-e
Peut être que des études socio-psychologiques pourraient nous édifier un peu plus sur l’impact de ces récits. Comme je l’ai évoqué plus haut, même si cela n’a pas été suffisant pour remettre en cause la base de nos croyances religieuses, cela crée un doute qu’on ne peut négliger. Je ne doute certainement pas le fait de psalmodier ces noms divins puissent produire quelques bienfaits pour nous, pauvres pêcheurs.
Je m’interroge surtout sur le fait d’aligner la satisfation ou sa punition divine sur un sms qu’on a ignoré ou un email qu’on a supprimé. Pour en avoir le coeur net, je m’en suis ouvert à quatre personnes dont la maîtrise du coran, des hadiths et la connaissance de la religion musulmane ne souffre d’aucun doute.
Du business à large échelle ?
Devant la négation du fondement religieux de cette pratique, j’en avais déduis une opération arnaque, surtout que ce qui n’est pas vrai est faux. Je m’en suis ouvert aux expéditeurs pour les interpeller sur le sens et le contenu des messages. Peu m’ont donné une réponse et la plupart, dans le doute, ont décidé de s’en débarrasser.
Si cette affaire se perpétue jusqu’à aujourd’hui cependant, c’est parce que des promoteurs y trouvent leurs comptes. Cette pratique nourrit-elle un business lucratif, fait de dizaines, centaines ou milliers de sms envoyés chaque jour? Il faudrait certainement un bon exercice de fact-checking pour déméler les différents acteurs inpliqués dans cet entreprise.
Qui a le contrôle sur les données générées par ces partages ? A supposer que j’envoie ce message à 20 destinataires qui le transmettent à 20 autres qui, à leur tour, le relaient en continu à d’autres personnes différentes. Il devient évident qu’en un laps de temps, un destinataire va se retrouver avec une banque de données de milliers d’adresses emails. Est-on en présence d’un marché des données de contact ?
Il vous est certainement arrivé un jour de vous demander par quel canal un expéditeur a eu votre adresse? Et dans la plupart du temps d’ailleurs, l’objet du message est de type publicitaire mais vous pouvez également avoir affaire à un arnaqueur. Dans tous les cas, la prudence est de mise, notamment dans ce que vous êtes en mesure de contrôler.