[100]. Lanceurs d’alerte face aux nouvelles menaces
L’administration en tant que système d’organisation sociale dans lequel les acteurs font face à des intérêts parfois divergents. Dans le souci de préserver l’intérêt public, des lanceurs d’alerte surgissent.
Nous avons les derniers événements mettant en exergue de hauts fonctionnaires. N’ayant pas encore travaillé dans une structure publique, je n’ai pas le réflexe du fonctionnaire. J’évoque donc la question de mon posture de citoyen bénéficiaire de prestations publiques.
Notre système d’organisation fait que le personnel civil et militaire travaille sous les ordres d’hommes politiques. Et depuis la gouvernance du Président Abdoulaye Wade d’ailleurs, c’est devenu l’affaire d’une équipe de foot dans laquelle chacun peut jouer.
Par chance, on peut « tomber » sur un Directeur Général ou un Ministre bien au fait des enjeux du secteur. Il peut arriver aussi que le dirigeant soit novice sur le secteur en question et que son « fauteuil ministre » représente son baptême de feu (premier poste, premier emploi).
Même dans cette perspective « fatale » et en toute bonne foi, des hommes et des femmes continuent à servir la République sous sa direction. Je parle de ceux-là qui prennent la pleine mesure de leurs missions : servir la République, la Nation, Sénégal rek, Rewmi rek.
J’ignore s’ils sont une minorité ou la grande majorité du peuple de l’administration. Du dehors cependant, il arrive que nous soyons les témoins de désaccords entre agents ou avec leurs dirigeants. Dans ce débat de déballages, chacun insiste sur sa motivation première : Préserver le bien commun, sauvegarder l’intérêt général.
Gardons à l’esprit également ceux-là qui, au quotidien et dans l’intimité de leurs bureaux, subissent la discrimination dans l’octroi d’avantages. Ceux-là qui n’avancent pas parce qu’ils ont refusé d’entrer dans des intrigues de chefs. Ceux-là qui ont osé tenir tête à des responsables politiques ou des d’hommes d’affaires.
Certaines de ces « victimes silencieuses » n’ont pas encore franchi le rubicond. D’autres n’ont pu se retenir.
Lanceurs d’alerte ou délateurs ?
Wikipedia définit le lanceur d’alerte comme une personne qui révèle des informations apparaissant comme illégales ou immorales. Il estime alors avoir découvert des éléments qu’il considère comme menaçants et qu’il décide, de manière désintéressée, de porter à la connaissance d’instances officielles ou de médias, parfois contre l’avis de sa hiérarchie.
Au vu de cette définition, voyons ce qu’il en est.
Ousmane SONKO, ex inspecteur des impôts et domaines, radié de la fonction publique pour n’avoir « pas respecté l’obligation de réserve ». Il avait mis en épingle l’Assemblée nationale qui ne s’était pas acquittée de ses obligations fiscales. Il a de tout temps déclaré que les informations qu’il partageait étaient disponibles sur le site internet de son ministère.
Cheikh Sadibou KEITA, ex chef de l’OCTRIS, radié de la police nationale pour avoir dénoncé un trafic de drogue au sein de la police impliquant de hauts gradés. Un rapport circonstancié aurait été remis à son ministre de tutelle d’alors le Général Pathé Seck.
Abdou Aziz Ndao, Colonel de la gendarmerie nationale qui a dénoncé dans un livre à deux tomes des affaires d’assassinats, de détournement et de corruption impliquant la haute hiérarchie de son corps. Il a été sanctionné sans être radié, sa retraite étant proche.
Ils ont en commun d’avoir été de hauts fonctionnaires au fait d’activités « illicites » qu’ils ont porté à la connaissance du public. L’objectif déclaré était donc d’alerter l’opinion pour que les mécanismes dédiés puissent corriger les irrégularités. Seulement, ni le Parlement, ni l’autorité judiciaire n’ont arbitré.
Les lanceurs d’alerte sont donc apparus à cause d’inertie et de dysfonctionnement. Il s’y ajoute que l’absence de législation organisant ce phénomène peut ouvrir la voie à toutes sortes d’abus.
Avant d’agir, ils ont surement dû faire face à une pression familiale et mesuré les conséquences pouvant découler de leurs actes.
Alerter oui, et après?
Le lanceur d’alerte prend des risques réels au nom de la cause qu’il entend défendre. Il est l’objet de poursuites-baillons qui se présentent comme des procédures judiciaires dont le but réel est de censurer. Tout est mis en œuvre pour réprimer et décourager d’éventuels volontaires à agir.
Et donc finalement, c’est l’opinion qui est pris à témoin dans ce duel. Le « traitement » de ces affaires par notre opinion ne semble cependant pas répondre aux attentes. Passé le temps médiatique, peu d’entre-nous continuons à veiller à ce que les « sacrifices consentis » ne soient pas vains.
En tous les cas, ce sont l’exercice de nos libertés et l’utilisation de nos ressources qui sont au centre de cet engagement des lanceurs d’alerte. C’est vrai qu’au Sénégal on aime bien sous-traiter nos propres revendications en restant dans le confort. On persiste encore dans le « sa waay, mangui sa guinaw dé » en oubliant que notre opinion a besoin d’être exprimée pour être prise en compte.
La problématique des lanceurs d’alerte interpelle chacun de nous. Elle n’est en rien liée au fait que le Sénégal soit un pays sous développé ou en émergence. D’ailleurs sur ce sujet les pays du Nord et du Sud s’entendent à les réprimer. Elle est simplement liée à la manière dont nous voulons être administrés. Nous pouvons choisir de ne rien voir et ne rien entendre tout comme nous pouvons veiller à ce que toute voix soit audible.
C’est notre choix de citoyens qui fera et qui fait que ce phénomène soit le déclencheur d’un nouvel ordre de gouvernance. Celui-ci sera basé sur la liberté d’expression, la lutte pour la transparence et la bonne gouvernance. C’est également nous qui déciderons et qui décidons que cela n’en vaille pas la peine.
1 Commentaire
Très belle réflexion sur les lanceurs d’alerte qui méritent une attention particulière ces dernières années, au vu de tous ces scandales sur le plan national et international.
Nous devons prendre les devants en votant des lois qui l’organise.