[177]. Ce qui manque au Conseil national du numérique
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Un Conseil national du numérique vient d’être mis en place au Sénégal. Cet instance très attendue par les « acteurs de l’écosystème » compte à ce jour 20 membres, tous nommés et exerçant à titre bénévole. Ils ont été choisis en raison de leurs activités, compétences et expertise dans le domaine du numérique. Vous pouvez consulter la liste sur Social Net Link.
Il s’agit d’une belle fourchette de personnalités « du milieu ». J’en ai personnellement côtoyé certains, en ai écouté d’autres alors que pour le dernier groupe, une recherche sur Internet a été nécessaire. Et puis, les titres qu’ils arborent en disent beaucoup sur le parcours technique de chacun.e. L’on y dénombre notamment onze directeurs/directeurs généraux, quatre présidents, un conseiller, un consultant et un administrateur.
A priori, chacun des membres y a sa place et leur maîtrise de l’environnement numérique a certainement guidé le choix du ministère de la Communication, des Télécommunications, des Postes et de l’Economie numérique.
Observations générales sur la composition du conseil national du numérique
Au delà de ses missions de coordination, le Conseil national du numérique peut intervenir à divers autres niveaux. Il a ainsi la possibilité de faire des propositions, de donner des avis et de formuler des recommandations. Son champ d’action concentre essentiellement des questions relatives aux communications électroniques et à l’économie numérique, déclinées sous la forme de projets et d’initiatives publiques et privées tendant à développer et promouvoir l’économie numérique dans tous les secteurs.
J’ai fais plus tôt référence aux profils. Si nous prêtons attention à l’aspect genre dans la composition du Conseil national du numérique, nous compterons 4 femmes, nombre en deçà de ce qui était normalement attendu en terme d’équilibre. Et puis, il nous faut rompre avec cette folie meurtrière qui voudrait qu’on questionne toujours la présence féminine par une interrogation en lien avec la compétence. Mais sans avoir la prétention d’épuiser le sujet, il y’a assez de bons grains semés autour de l’initiative Jigeen Tech ou de la Linguere Digital Challenge lancée par l’opérateur Sonatel avec la 4e édition du prix de l’entrepreneuriat numérique féminin.
Quid de la représentation des jeunes ? Par définition, un jeune est une personne âgée de 18 à 35 ans, selon le Conseil national de la jeunesse du Sénégal. Peu ou assez représentatifs, ils sont estimés à un peu plus de 4 millions selon les données fournies par l’ANSD en mars 2018. Les jeunes restent également bien positionnés en tant qu’utilisateurs et innovateurs. Pour cet âge, le monde est essentiellement analysé sous le pris du numérique.
Si ce groupe obtient le soutien idoine, le Sénégal fera un grand bond. Nous pouvons également tenter une révolution dans le secteur en connectant le numérique à d’autres spécialités.
Composer le Conseil autrement …
En conceptualisant le numérique dans son environnement et ses outils, en le positionnant comme processus et fait social impactant notre quotidien, l’on admet sans conteste que la composition du Conseil national du numérique pouvait aller au delà de ce que j’ai remarqué. De mon point de vue, les réflexions du Conseil doivent nourrir les processus de prise de décision, engageant en cela des générations. Par conséquent, il doit être le plus représentatif possible et surtout aller au delà de « l’écosystème » et de ses acteurs directs.
En tant que décisionnaire en charge de ce secteur, j’aurais ouvert sa composition à d’autres profils tout aussi pertinents. J’aurais invité un spécialiste des sciences sociales notamment un sociologue. Le numérique est un outil social qui induit des changements de comportements à divers niveaux. Ces spécialistes aideraient à analyser les comportements ainsi que leurs impacts dans la vie sociale afin de les anticiper au mieux, les atténuer ou les amplifier au besoin.
Les forces de défense et de sécurité devraient y avoir leur place parce qu’aucune stratégie militaire digne de ce nom ne saurait ignorer cet écosystème. Bien qu’ils aient des plateformes et des stratégies qui sont propres à leur environnement, le dialogue direct avec les civils aurait permis d’ouvrir de nouvelles perspectives. Et c’est dans le même ordre que j’aurais invité un spécialiste de la prospective. Le digital évoluant à une vitesse exponentielle, il peut être contraignant pour ces acteurs de l’écosystème, d’avoir assez de recul et surtout d’orienter. Dans ma perspective, il ne s’agit pas juste de suivre la tendance mais d’influencer des comportements. Plus nous saurons « dompter » l’outil dans le sens de nos besoins vitaux, mieux nous saurons faire face.
J’aurais été l’autorité en charge de ce secteur qu’un représentant de l’association des utilisateurs ou d’une organisation de la société civile serait membre de l’instance. Il apporterait une lecture consumériste qui permet d’anticiper sur les impacts possibles des initiatives et décisions. Le régulateur du secteur des télécoms y est déjà mais réguler ce secteur, notamment dans une perspective économique et défendre des consommateurs nous semblent s’inscrire dans des tableaux différents.
J’ai mis l’accent sur ces profils en particulier mais la liste ne peut être limitative. Selon la thématique discutée ou le domaine concernée, des besoins spécifiques peuvent se présenter. C’est pourquoi, le Conseil national du numérique devra être à l’écoute d’opportunités pour mener des consultations larges et ouvertes.
Favoriser la participation
Le Conseil national du numérique pourrait instituer diverses formules afin de mettre en œuvre des essais d’ouverture. Il y’a deux stratégies que le Conseil pourrait envisager.
La structure peut opter pour des invitations à ses séances de délibération. C’est une technique bien connue et largement utilisée par différentes entités qui souhaitent confronter leurs opinions à celles d’autres. En règle générale, les textes qui organisent les institutions prévoient ces « fenêtres » même si les usages restent facultatifs.
Le Conseil national du numérique peut aussi envisager la tenue de consultations publiques. Celles-ci pourraient se faire en ligne ou dans le cadre de forums en présentiel avec les populations lors d’assemblées. Il n’est pas toujours besoin que ces consultations soient systématiques mais les faire de manière régulière serait recommandée. Ainsi, les populations, destinataires / bénéficiaires de ces réflexions, pourraient y contribuer et les enrichir.
Une administration ne faiblit pas en sortant de son carcan et de ses certitudes. lâchant du lest ou en consultant les bénéficiaires de ses actions. Au contraire, en consultant ses clients bénéficiaires quant aux prestations fournies, l’offre de service s’en trouvera davantage renforcée.