[300]. Cancer au Sénégal : ce qui plombe l’efficacité de la prise en charge
La prise en charge du cancer au Sénégal souffre de diverses pathologies qu’il est urgent de solutionner. Des mesures urgentes et rigoureuses sont attendues des pouvoirs publics qui pourront y arriver grâce à la contribution d’acteurs comme la LISCA. Cette association privée à but non lucratif intervient principalement dans la prévention et l’offre de prestations curatives.
En prélude à la campagne dénommée Octobre Rose, nous avons reçu, ce dimanche 22 septembre 2024 sur le forum du Divan Citoyen, Monsieur Mansour NIANG, secrétaire général de la LISCA. La Ligue Sénégalaise contre le cancer (LISCA) intervient à plusieurs niveaux notamment dans la sensibilisation et la prise en charge médicale des malades du cancer au Sénégal. La conversation a notamment permis de passer en revue la politique de prévention et de prise en charge du cancer au Sénégal, les écueils et les mesures fortes à envisager pour réduire ou venir à bout de cette pathologie.
Nous vous proposons en lecture les points clés portant son concours aux malades du cancer, plusieurs facteurs externes annihilent ces efforts.
Une prise en charge efficiente tributaire de la continuité du service
Le premier aspect résulte d’une absence réelle de maitrise des données liées au cancer au Sénégal. En estimation et de l’avis de la LISCA, le premier type de cancer au Sénégal est le cancer du col de l’utérus; le deuxième est le cancer du sein. A partir du troisième ranking cependant, les données deviennent floues. Est-ce le cancer de la foie? Est-ce le cancer de la prostate ? Est-ce le cancer du colon qui émerge de plus en plus ?
En estimation toujours et selon les données fournies par le Global Cancer Observatory, environ mille huit-cent (1 800) nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année au Sénégal avec des taux de mortalité d’environ 70%. Ces chiffres, quoique alarmants, pourraient en réalité être en deçà de la réalité, ou le contraire.
Le second écueil, qui résulte du premier, est la gestion en mode urgence. En l’absence de données liées à la propagation du cancer au Sénégal, il peut s’avérer difficile d’asseoir une réelle politique de prévention qui accentue la prévention sur une maladie, une localité ou une cible quelconque, qui alloue des ressources suffisantes et rend disponible une catégorie particulière de traitements ou de matériels y afférents.
Ainsi les choix sont faits, les décisions prises au regard de la disponibilité de subventions de la part de bailleurs de fonds ou lorsqu’un problème survient. En ces circonstances, les ressources humaines sont mobilisés mais vite redéployées une fois l’urgence ou le financement épuisé. Peu d’initiatives s’assurent ainsi une continuité dans leur mise en oeuvre ou atteignent un point d’impact.
Le troisième écueil est lié à la discontinuité du service, dû principalement à l’indisponibilité du matériel servant à la prise en charge du malade. Les acteurs sont unanimes sur le fait que la continuité du service est vitale si l’on veut obtenir un gain dans le traitement du cancer. Par exemple, dès qu’une patiente du cancer finit sa chimiothérapie, elle doit être opérée avant que la radiothérapie n’intervienne. Celle-ci se fait après la cicatrisation post opératoire et sur toute la chaine, le malade doit avoir à sa disposition les médicaments appropriés. Tout manquement à ce stade peut impacter fortement les chances de guérison.
Le quatrième écueil a trait à la rupture des médicaments essentiels à la prise en charge. La chimiothérapie est gratuite pour les femmes mais la Pharmacie Nationale d’Approvisionnement (PNA) n’est toujours pas en mesure d’assurer une disponibilité continue des produits essentiels. Elle évoque souvent l’absence de données qui l’empêche d’assurer une bonne planification dans la commande de médicaments. Les ruptures récurrentes de médicaments sont aggravées par le fait que les officines privées ne vendent plus ces produits du fait de leur gratuité au niveau de la PNA et des structures publiques.
Chacun des écueils énoncés peut avoir pour conséquence immédiate la récidive de la maladie et donc l’anéantissement d’efforts des professionnels de santé, du malade et/ou des membres de sa famille. Pour des solutions existent et elles sont à portée.
Ces mesures à fort impact toujours attendues par les acteurs
Le cancer du col de l’utérus est l’une des pathologies les plus répandues en Afrique et les estimations le placent en pôle position au Sénégal. La maladie a pourtant disparu dans certains pays notamment scandinaves du fait de mesures appropriées. L’Australie a déclaré récemment zéro (0) décès lié au cancer du col de l’utérus sur la base d’une stratégie « simple ». Les autorités australiennes ont pris l’option de vacciner à l’anti HPV leurs enfants avec le vaccin anti HPV et ont dépisté les femmes qui n’étaient plus éligibles au vaccin. Vacciner les filles de 9 à 14 ans les prémunit contre le cancer du col de l’utérus.
Bien que la chimiothérapie pour les cancers féminins (sein et col de l’utérus) soit gratuite au Sénégal, divers autres coûts subsistent dans le traitement du cancer au Sénégal. Pour bénéficier de la chimiothérapie, il faut avoir déjà effectué un bilan de santé qui renseigne sur le type de cancer et la capacité du patient à supporter le traitement. Le coût de cet examen est estimé aujourd’hui entre 300 000 et 500 000 francs CFA.
Le traitement du cancer au Sénégal, quel que soit le type d’ailleurs, prend du temps et génère des coûts importants sur le moyen ou long terme. En règle générale, il faut débourser entre 1 800 000 francs CFA et 2 500 000 francs CFA pour un traitement sur une année au moins. Le patient peut opter pour une thérapie plus ciblée estimée entre 6 et 7 millions de francs CFA. Combien de ménages sénégalais sont aujourd’hui en mesure de supporter ces dépenses?
La vaccination contre le HPV se positionne ainsi comme l’une des mesures de prévention les plus efficaces et les plus accessibles. Ce vaccin est rendu gratuit dans des pays comme le Sénégal bien qu’ils coûtent encore chers notamment dans nombre de pays occidentaux. Cette gratuité résulte de mesures de subventions d’entités comme le GAVI qui les rendent disponibles pour le plus grand nombre.
Dans un tout autre registre, la mise à disposition d’appareils d’ablation thermique dans les districts sanitaires pourrait également contribuer à mettre un terme à la propagation de la pathologie. Ces équipements permettent de traiter les lésions précancéreuses avec un dépistage qui peut se faire en moins de cinq (5) minutes et un traitement en moins de quarante-cinq (45) secondes. Une fois que les équipements sont disponibles, il faut veiller à leur bonne répartition territoriale et une formation du personnel de santé à leur bon usage.
La gestion intégrée du patient, qui a cours dans plusieurs pays, devrait être envisagée. Au Sénégal par exemple, cinq (5) hôpitaux assurent la prise en charge des malades : Le Dantec (Plateau), l’hôpital militaire de Ouakam (HMO), l’hôpital Idrissa Pouye de Grand-Yoff (ex. CTO), l’hôpital Philippe Maguilene Senghor (Yoff) et l’hôpital de Pikine. Il se trouve qu’aucune d’entre-elles ne dispose de l’ensemble des services dont a besoin le patient dans son parcours de traitement.
Ainsi, un patient qui effectue une radiothérapie à l’hôpital de Dalal Diam, devra se déplacer à CTO où l’appareil est régulièrement en panne tandis que les autres prestations ne sont fournies que par l’hôpital de Pikine ou HMO à Ouakam. Cette parcellisation du traitement du cancer au Sénégal a un fort impact financier et psychologique sur les patients et leurs familles. Heureusement que le Centre national d’oncologie de Diamniadio et l’hôpital de Dantec sont en voie de résorber ce gap.
Accentuer la sensibilisation contre le cancer au Sénégal
Le dispositif de prévention mise sur l’action volontaire et l’initiative individuelle. A partir de 23 ans, la femme est vivement encouragée à faire un frottis, soit une fois par an pendant trois années successives et le refaire toutes les 5ans, soit tous les 2 à 3 ans. Quant aux hommes, ils doivent consulter un urologue à partir de 50 ans. En tous les cas, bannir la cigarette ou la chicha qui favorisent le cancer.
D’autres mesures plus générales sont également encouragées. Il s’agit notamment d’une consommation très modérée de l’alcool à défaut de ne pas en consommer, une activité physique régulière notamment la marche qui est accessible à tous les âges, la consommation de fruits et légumes, au moins cinq par jour, et enfin faire attention à la consommation du sel, du sucre et de la viande grasse.
La prévention inclut enfin diverses consultations médicales qui peuvent intervenir selon l’âge de la femme.
Le frottis qui coutait entre 10 000 et 14 000 francs CFA, est disponible et gratuit lors des consultations à la LISCA.
Le test HPV qui coûte 30 000 francs CFA à l’institut Pasteur et à Bio24 n’est pas encore disponible dans le public. Ce test permet aux femmes, à partir de 30 ans, de vérifier si leur organisme a évacué le virus à l’origine des lésions précancéreuses. Si vous êtes négatif à ce test, vous ne le referez que cinq (5) ans plus tard.
La mammographie pour toutes les femmes à partir de 35 ans. Pour les autres, il faut procéder à l’auto-examen des seins à partir de 20 ans et cela sept (7) jours après les règles. L’on devrait également le faire faire par un spécialiste une (1) fois par année.
Si vous souhaitez écouter le replay de la conversation ici