15 octobre 2024

[150]. La publicité au Sénégal échappe-t-elle à tout contrôle ?

 [150]. La publicité au Sénégal échappe-t-elle à tout contrôle ?

Il s’agissait au départ d’établir la différence entre communication, information et publicité au Sénégal mais le sujet a dévié. Nous partagerons dans les lignes qui suivent ce qui est perçu comme différence entre ces notions. Pour le moment, tentons de recentrer la discussion sur la publicité, considérée comme l’étape la plus avancée de la communication en ce qu’elle appelle de la part du récepteur une action.

Lorsqu’on est familier avec cette matière, on est d’emblée interpellé par le décalage entre la pratique des acteurs et la réglementation.  On l’est également, sinon plus, lorsqu’on analyse cette pratique au regard de l’évolution constatée en cette matière et les nouvelles formes d’exposition. L’exemple type est le placement de produits, délibéré ou non, dans nos séries et émissions mais nous en reparlerons plus tard.

En faisant mes recherches sur le dispositif régissant la pratique de la publicité au Sénégal, je suis tombé sur trois textes majeurs. Le premier est la loi sur la publicité au Sénégal en date du 28 janvier 1983, on avait (encore ou déjà) un ministère chargé de l’information et de la communication. D’autres dispositions complémentaires ou spécifiques ont été introduites par la loi portant création du CNRA (2006) et le code de la presse (2017).

C’est la loi de 1983 qui a introduit le mécanisme de l’autorisation préalable à toute exercice de la publicité au Sénégal. Le visa est délivrée, selon le texte, par le Ministre chargé de l’information après avis d’un organisme de contrôle et de règlementation crée (à créer) par décret. Les étrangers étant tenus, en sus, de conclure un accord de représentation avec une agence locale agréée.

A travers cette réglementation, le législateur cherchait avant tout à protéger les agents de publicité locaux contre la concurrence des professionnels étrangers. Ceux-ci dit-on raflaient les contrats de publicité des annonceurs locaux sur la base de lettres de recommandation. Il s’y ajoute que l’administration ne parvenait pas à taxer les rémunérations. Au delà, les autorités évoquaient l’absence de toute taxation sur les rémunérations.

La tentative de règlementer le secteur a d’abord commencé par la désignation des acteurs ou des structures. Ainsi, étaient autorisés à intervenir les agences-conseil en publicité ou les régies publicitaires, ou l’un et l’autre dans une même entité. Aujourd’hui, le marché semble s’être largement ouvert avec notamment l’arrivée de nouveaux intervenants et la reconversion des acteurs classiques.

La pratique s’est mue. De plus en plus, les télévisions interviennent au delà du champ de diffusion et font de la production. De plus en plus également, les annonceurs prennent se prennent en main et effectuent eux-mêmes les tâches dévolues aux agences. Cela va, si on y prend garde, bouleverser le secteur avec des conséquences imprévisibles surtout qu’aucun mécanisme ne semble travailler à la régulation.

Une régulation quasi inexistante

La publicité, on le dit, tend à présenter une personnalité, un service ou un produit sous ses plus beaux atours. C’est pourquoi, le diffuseur doit veiller à ce que le contenu des messages ne comporte ni imputations ou allusions diffamatoires ou constitutives de faute dommageable. Il ne peut également comporter de comparaisons dénigrant d’autres marques, produits, services, entreprises identifiables.

Un organisme de contrôle et de règlementation était pourtant prévu dans la loi sur la publicité au Sénégal. La dénomination et la composition de cet organisme devaient être fixés par décret mais le texte n’a jamais été pris. Son rôle premier aurait été de faire appliquer les principes de base de toute publicité. Il devait ainsi veiller à ce que toute publicité obéisse aux règles de décence, de loyauté et de vérité.

Ce qui aurait pu éviter au public d’être exposé à de la publicité dissimulée, trompeuse ou mensongère. Est catégorisée telle une annonce qui comporte des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur. Les retours de clients publiés sur les réseaux sociaux en disent long sur ce qui se fait.

Les allusions notées dans les médias font également foison même si certaines ne peuvent être considérées comme de la publicité au sens strict. Rappelons-nous la précision faite au début : la publicité comporte un appel à l’action ! C’est cela qui différencie la pub de la com ou de l’info. L’on pourrait en déduire d’ailleurs que le fait de citer tel organe ou telle émission pour illustrer un propos ne saurait être considéré comme de la publicité.

Il est par contre interdit de créer ou d’entretenir une confusion avec d’autres produits ou entreprises dans son contenu. Les exemples où ces règles sont peu ou prou respectés ne manquent pas notamment dans les émissions dites de télé-achat, du reste assez bien règlementé par le code de la presse. Regardez bien l’émission Kouthia Show ou d’autres du genre sur la TFM et visez la suite.

Le code de la presse pose le principe d’une interdiction absolue quant à l’exposition d’un produit à des fins de publicité durant toute une émission. S’il s’agit d’un télé-achat, au delà de son indication sans équivoque, l’émission ne peut être interrompue par des écrans publicitaires. Si l’on est en présence d’un programme classique, 20 minutes au moins doivent séparer deux interruptions successives.

D’autres dispositions particulières ont essayé de prendre en charge d’autres aspects spécifiques.

Dispositions particulières

Pour le cas spécifique des enfants, il est interdit toute déclaration qui pourrait leur causer un quelconque dommage. La publicité ne doit non plus exploiter leur crédulité naturelle ou le manque d’expérience des adolescents. Le code de la presse prohibe d’ailleurs la présentation de mineurs en situation dangereuse, sauf motif légitime.

Lorsqu’elle fait appel à la femme, la publicité ne doit pas, pour quelque motif que ce soit, porter atteinte à sa dignité ou la déconsidérer. Elle ne doit pas non plus éveiller chez les malades des espoirs fallacieux, ni exploiter leur manque éventuel d’esprit critique à l’égard des messages leur promettant un traitement efficace ou la guérison. Sur ce point mom, il y’a à boire et à se désaltérer à nouveau.

Evidemment, pour suppléer le vide noté sur la publicité au Sénégal, le CNRA essaie tant bien que mal de se positionner en gendarme régulateur avec les failles liées à la loi qui l’instaure. C’est quand même dommage parce que l’organisme de contrôle et de réglementation avait une compétence plus large et diversifiée. Saviez-vous que même la publicité faite par le biais du tam-tam entrait dans son champ de contrôle. Tellement inspiré notre législateur 🙂

Les « oublis »

Le plus grand souci que nous avons semble être l’affichagen notamment la manière dont les panneaux agressent l’environnement urbain. Vous aviez tous suivi le différend entre Barthélemy Diaz, les régies publicitaires et l’administration au sujet de la tutelle sur cette activité. Sans ergoter sur les compétences des uns et des autres, il urge selon nous de taxer les bénéficiaires de l’affichage sauvage de rue.

Le CNRA ne semble pas avoir droit de regard sur la pub par affichage tout comme sur les réseaux sociaux. La loi qui l’institue prévoit qu’il a compétence pour exercer un contrôle sur le contenu et les modalités de programmation des émissions publicitaires. C’est le cas surtout lorsqu’elles sont diffusées par les sociétés nationales de programmes et par les titulaires des autorisations délivrées pour des services de communication audiovisuelles privés.

Les affichages sur toute thématique et les publi reportage se disputent déjà nos écrans. Certainement que le CNRA prêtera attention à cette présence à sous pour l’équilibre des audiences politiques. Quid de la publicité sur les sites d’informations en ligne, payée très cher ou encore les « putes à clic » ?

Une nouvelle loi a été annoncée.

Alaaji Abdulaay

2 COMMENTAIRES

  • Super article,
    Vous avez résumé tout le marché publicitaire sénégalais en matière de réglementation.
    Moi je suis doctorant et je travaille sur la question de la publicité au Sénégal avec l’avènement du numérique et des big data.
    Ça serait avec un réel plaisir d’échanger avec vous sur ce sujet.

    • Bonjour Sadia,

      Merci pour le retour.
      Ce serait un plaisir d’échanger avec vous. N’hésitez pas à utiliser le chat whatsapp

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