[123]. Y a-t-il une peur des réseaux sociaux?
Internet et les réseaux sociaux au Sénégal est une thématique qui continuera à nous mobiliser. Aujourd’hui, je reviens sur deux évènements qui ont « fait le buzz » et gagné une place à la Une du 20 heures. L’un fait référence à la caricature/photomontage partagée sur WhatsApp et qui vaut à son auteur la prison. L’autre par contre, plus récent met en scène une petite fille qui débiterait dans une vidéo mise en ligne, des mots peu doux.
Ce dont il est question correspond à un ensemble d’outils regroupés sous le vocable « Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication ». Même si la tendance est de ne plus considérer les TIC comme nouvelles, la réalité de certains environnements démontre le contraire. L’outil a révolutionné notre vie, nous sommes devenus consommateurs et producteurs d’infos.
La prise de parole s’est diversifiée, conférant au gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple tout son sens. Cette révolution peut donc ne pas agréer certains dirigeants peu soucieux de l’opinion de leurs citoyens. C’est dans ce registre que je range une sortie du président Macky Sall lors de l’installation du Cored. Il déclarait que le wax sa xalaat était « une dictature organisée »
Cette opinion de l’autorité transparait dans la prise de certaines mesures prises depuis quelques actes. L’objectif affiché est de corriger nos dérives, réelles ou supposées, dans nos pratiques quotidiennes. Une question subsiste cependant: en cherchant à nous protéger, l’Etat ne viole t-il pas nos droits ?
Réguler par la répression
Si plusieurs réactions ont pu être notées avec l’affaire du photomontage/caricature, peu d’entre nous l’auraient vu. Il s’y ajoute que la menace de poursuites a vraiment eu raison du désir de partage de ceux qui le détiennent. Par conséquent, chacun s’est fait sa propre religion sur cette affaire en ouvrant une grande avenue à notre imagination.
La réaction la plus vigoureuse est venue des autorités judiciaires notamment du procureur de la république. Il aurait retenu les délits de diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs et d’association de malfaiteurs en transmettant le dossier à un juge d’instruction. La charge peut paraitre excessive, et elle l’est sakh surtout qu’il n’ y avait apparemment aucune intention de nuire.
Sur l’affaire de la vidéo de la petite également, des voix se sont élevées pour demander le renvoi de ces « irresponsables » devant les juridictions. La plupart d’entre-nous ont pourtant partagé et publié cette vidéo, même si c’était pour la dénoncer. Ceux-là également ne sont exempts de reproches ?
Généralement, nous avons deux attitudes face aux choses qui nous dépassent : user de la répression ou en dénier la réalité. La réaction des autorités face aux « dérives » notées sur Internet et les réseaux sociaux en offre donc une belle illustration. Cela transparait dans certaines dispositions contenues dans la loi pénale et le code de la presse qui sera adopté ce mardi.
Depuis plusieurs jours, les acteurs ne cessent d’alerter sur les menaces contre les libertés. Il y’a deux semaines, Amnesty International Sénégal a tenu un panel sur les cybersécurité à l’épreuve des droits humains. L’atelier de la presse en ligne de cet après midi entre également dans le même sens parce que finalement on en arrivé à ce que disait l’activiste Cheikh Fall : « tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous ».
Ce dont on a peur, il faut l’affronter
Les technologies de l’information et de la communication sont nouvelles pour la plupart d’entre nous et pour en tirer profit, un apprentissage est nécessaire. Les médias sociaux nous offrent des outils que nous avons besoin de comprendre et d’assimiler. La répression pénale ne me semble pas être la stratégie la plus pertinente, elle n’enseigne pas, elle sanctionne.
Il nous faut changer de paradigme en acceptant d’entrer en rapport avec les éléments et les choses qui nous sont étrangers. Nous avons besoin de dire à nos enfants qu’aucun outil n’est bon ou mauvais en soi, tout dépendra de l’utilisation qu’on en fera.
Prenons l’exemple des « scènes gênantes » qui surgissent à l’écran lorsqu’on regarde la télé avec nos enfants. Notre réflexe est de zapper sur une autre chaine sans prendre la peine d’expliquer la motivation de notre acte. Cette action entretient une curiosité chez l’enfant qui cherchera à en savoir plus mais généralement à l’abri de nos regards. Notre kersa et leur kumpë feront le reste.
Dans un billet publié en décembre 2014, j’évoquais les multiples facettes d’une utilisation sénégalaise de Facebook. Nous avons ces mêmes pratiques sur presque toutes les plateformes web qui nous sont accessibles. Et finalement, c’est comme si nous y allons au feeling sans une prise de conscience réelle des menaces.
Différents acteurs s’essaient quand même à cet exercice d’apprentissage. Les blogueurs ont lancé la campagne NetAttitude tandis que la Commission de protection des données personnelles (image d’illustration) sensibilise sur son domaine. Il reste à instaurer des modules de formation dans nos établissements scolaires, au besoin dès le collège. A cet âge déjà, les enfants manipulent les gadgets.