[151]. Le Président (et les pouvoiristes) de la République !
Pétrole, gaz et société civile au Sénégal pouvait être le titre de ce billet de blog. Vous ne l’aurez certainement pas lu parce qu’on en a fait une thématique compliquée. Et donc tout en restant sur le sujet, je reviens sur certains évènements qui peuvent expliquer certains actes posés aujourd’hui. Nous avons été nombreux à suivre, à la télé ou sur place les concertations, n’hésitez pas après mon analyse, à me laisser vos impressions.
Tout d’abord mea culpa. Nous avons longuement échangé sur Facebook sur ma décision de ne pas prendre part à la concertation nationale sur le pétrole et le gaz. Toutes les raisons invoquées de part et d’autres sont valables mais vous verrez au fil de la lecture les raisons de mon courroux. Finalement la concertation s’est bien passée et malgré les réserves qu’on a sur le format, des sénégalais ont pu quand même discuter.
Et d’ailleurs, cet initiative est à encourager sur d’autres secteurs afin que les populations destinataires des politiques publiques puissent exprimer leurs points de vues. J’ai suivi les débats à la RTS, la télévision publique, partenaire des grands évènements comme ils disent. En attendant qu’ils finissent de se débattre avec la retransmission de la coupe du monde, je leur tire mon chapeau.
Je fais pas de digression dé parce que l’attitude présente de la RTS est relativement similaire à ce que je vais décrire dans les lignes qui suivent. Mais au nom de quoi la TFM qui a acquis des droits ne diffuserait pas les match de la coupe du monde. Qu’on ne nous parle pas d’autres choses qu’une affaire de rente publicitaire, ce n’est que de cela dont il s’agit. Mais bon revenons à notre journée de concertation.
La société civile, une « force vive de la Nation »?
Il faut savoir que la société civile sénégalaise notamment la coalition Publiez Ce Que Vous Payez travaille depuis de longues années sur ce secteur. Elle est une entité très organisée et assez représentative au regard des organisations qui l’a composent. En 12 étapes, la coalition a modélisé un processus qui permet aux Etats d’obtenir le maximum de retombées de l’exploitation en minimisant les risques. Aucune invitation formelle ne leur a été adressée.
C’est d’ailleurs un particulier qui a suggéré au secrétariat d’inviter ces acteurs dont certains sont passés récupérer leurs cartons le lundi. En tous les cas, la société civile avait décidé, invitée ou non, à se faire entendre et donc la forme ne devait pas impacter sur le fond. Les entités doivent cependant intervenir dans des cadres formels et mettant en avant la courtoisie.
Jusqu’à ce 12 juin 2018 donc, la société civile avait essuyé toutes sortes de refus et de revers. Je reviens comme un automate sur la sortie de ce ministre qui la confinait à un rôle de critique des propositions gouvernementales. Tellement réductrice comme vision ! Pourtant, si le Sénégal se glorifie d’être premier sur ce nouveau processus de l’ITIE, il le doit en grande partie à cette société civile. Celle-ci a soutenu le processus malgré les réticences des administrations. Bref
Le cas Tall
Ce qui m’a vraiment choqué, c’est bien évidemment la déclaration de Mme Aminata Tall présidente du Conseil économique social et environnemental. Elle mettait en garde le président Macky Sall contre ceux qui demandaient à intégrer les structures de gouvernance du pétrole. Quelle arrogance de douter de l’intégrité des membres de la société civile jusqu’à exiger comme préalable une enquête de moralité.
Pensant certainement que ses déclarations avaient quelque chose de pertinent, elle conclut « Président mane sama wakh dou nekh ». Pompeux! Je suis d’autant plus déçu qu’elle préside une institution à l’avant garde de l’interpellation citoyenne. Le CESE est jusque là la seule assemblée qui a institutionnalisé un mécanisme de pétition citoyenne. Avec 5000 signatures, vous pouvez vous attendre à une réponse de l’institution interpellée.
Peut être qu’elle n’en a même pas conscience. Ah meun na nek di surtout qu’en prenant la parole, elle a appelé à de la générosité, au partage et surtout à œuvrer pour ce pays, bien commun. Avant elle, le président de la République invitait à un dépassement de soi et à faire montre d’une volonté de travailler ensemble avec humilité et dévouement. A croire qu’elle n’écoutait personne, y compris elle-même. Kharal ma bayi wakh dji sakh avant qu’on ne pense que je suis fâché contre elle 🙁
J’en déduis qu’il s’agit d’une culture ancrée au sein de l’administration. Elle devra se faire à l’idée que le monde a changé et les grandes avancées sont le fruit de collaboration. C’est vrai qu’il n’est jamais aisé de changer de manière de faire, ce qui explique encore les résistances notées. On va devoir se faire à l’idée que les citoyens continueront à demander davantage à être impliqué dans la manière dont ils sont gouvernés.
La clef qui ouvre les portes
Une des mesures phares que j’ai relevé concerne l’ouverture du Cos Pétrogaz à la société civile et il devrait l’être pour l’université également. Le mécanisme pourra ainsi profiter de diverses expériences des acteurs dans des domaines variés. Si la composition se limite à l’administration, aucune valeur ajoutée ne pourrait en ressortir. Président nak a décidé d’accompagner cet entrée par la mise en place d’un code de conduite. Puisque cela n’existait pas, je présume que c’est à dessein et destiné aux nouveaux acteurs 🙂
Le président de la République a également décrété la participation de la société civile au processus de réforme du code pétrolier. Merci Président, temps yi mom yangui liguey parce que l’administration a toujours joué au dilatoire pour que le processus ne soit pas inclusif. Même l’atelier dit de partage qui a été organisé n’a été en fait qu’un saupoudrage parce que les organisateurs refusent jusque là de rendre disponible le texte.
Cette loi, au delà de la règlementation du secteur pétrolier et gazier, aura un impact sur notre vie, notre économie, notre environnement. Quoi de plus inspirant alors que de demander à tous les acteurs de contribuer à son élaboration? Les mêmes tensions étaient notées dans le processus de révision du code minier avant que le gouvernement ne daigne ouvrir les discussions.
Le fait qu’en une journée, le président de la République ait pu débloquer deux situations explique qu’on recoure systématiquement à lui. Je ne ferais pas ici le procès de l’administration, nous avons tous une petite idée de son fonctionnement. Il faut quand même relever qu’un fonctionnaire ne devrait avoir de satisfaction qu’en servant bien ou de son mieux le citoyen.