[91]. La tradition orale a sa place à l’école
L’Afrique a une civilisation et une tradition orale. Par ce biais nous éduquons. Pourquoi ne pas en apprendre? La tradition à l’école doit être une réalité chez nous
Je me souviens qu’en mars 2016, nous discutions sur Facebook de l’introduction de la tradition orale dans nos enseignements. J’énonçais en substance que les enseignants devaient inviter à leurs cours des griots pour conter l’histoire de nos contrées.
Les échanges qui avaient suivi m’avaient permis de prendre note de certaines choses.
Avant tout, j’avais pris note que Samba Diabaré Samb a, une fois, été invité à l’Ucad pour une communication. Tout comme faire une recherche sur Khaly Madiakhaté Kala s’avére fastidieuse d’ailleurs du fait de peu d’écrits à son sujet.
Ailleurs, des parents étaient invités à l’école pour parler de leurs métiers aux élèves. Chez nous, cette intégration sera difficile au regard des difficultés à satisfaire au quantum horaire. On en était à ce débat lorsque Mme Tiané Dieng Basal, professeur au lycée Abdoulaye Sadji de Rufisque, intervint.
A l’occasion, elle déclara lors du discours d’usage du Concours Général 2016 que « si l’école se donnait pour mission d’abreuver nos jeunes à ces sources si riches de notre littérature orale, notre pays gagnerait à ériger un rempart solide contre toute forme de radicalisme. »
D’ailleurs, je voudrais relever que la contribution de cette littérature orale peut aller au delà. Et d’ailleurs, la base qu’il nous faut solidifie reste la connaissance de soi, de son environnement et de son histoire. Nous ne sommes pas « nés » à l’indépendance. Je ne comprends pas non plus qu’on veuille la prendre en repère lorsqu’on évoque les perspectives de gouvernance. Avec l’histoire, c’est différent.
L’histoire est un vécu, non une science exacte
Cette histoire est quelque part gardée autant qu’une richesse peut l’être. Elle est portée par des générations, transmise selon des rituels dans leur intégralité et intégrité. C’est pourquoi, je ne suis pas convaincu par cette version qui voudrait que ce qui se transmet en oralité gagne ou perd au fil des interactions. Le Coran est descendu sur le Prophète Mouhamad (PSL) et nos nièces et neveux le récitent encore aujourd’hui avec rectitude.
C’est pourquoi d’ailleurs, je refuse de croire au discours de ceux qui nient l’existence de connaissances ou savoir-faire juste parce qu’ils n’en ont pas la perception. Le Président de la République Macky Sall a d’ailleurs rappelé que « l’Afrique a connu une tradition orale et ce n’est que par ce mécanisme que notre histoire a pu être racontée de génération en génération. »
Je refuse de prendre pour vérité universelle tout ce qui est écrit dans un livre surtout que l’histoire des hommes et du monde est un vécu raconté. On ne peut la classer au même niveau d’exigence de scientificité (j’ignore si le mot existe) que les mathématiques.
Nous avons une histoire qui n’est pas encore officiellement contée dans nos salles de classes. Elle n’est pas encore acceptée officiellement comme référent ni invoquée dans notre argumentation. Elle est ce qu’elle est mais elle a le mérite d’exister avec ses vérités qu’on ne saurait contester.
Je n’ai pas les compétences pour critiquer la véracité de tout ce qu’on nous apprend sur l’histoire du Sénégal surtout qu’on me l’a enseigné dans les mêmes termes que çà l’est aujourd’hui. Elle est encore en version française et ce que j’affirme n’est pas simplement un jeu de mots.
Nous sommes les sacs à parole …
(Ré)écrire l’histoire du Sénégal est une donnée fondamentale pour le Sénégal. La commission Iba Der Thiam mettra certainement en lumière beaucoup d’éléments non encore pris en compte dans la littérature existante. Elle devra cependant aller au delà de la pensée de ses rédacteurs puisque l’écriture est déjà une limite par rapport à l’oralité.
A mon sens, nous passerons à côté de quelque chose si nous voulons tout miser sur l’écriture et le livre. C’est pourquoi, il nous faut organiser cette tradition de l’oralité sans la dénaturer ni la détourner. Je ne parle pas des wayane au Grand Théâtre et plus récemment dans certains plateaux de chaines télévisées.
J’ai été subjugué par le talent et la mémoire (Machalla) de griots qui étaient sur la TFM le jour du 4 avril 2016. Ils ont tour à tour relaté au détails près, les différentes péripéties qui ont mené le Sénégal à l’indépendance, avec une aisance déconcertante. Ils sont là et ils détiennent cette richesse de notre parcours, des acteurs qui l’ont animé, des finalités et des résultats.
Notre objectif ne devrait-il pas être finalement de permettre à chaque sénégalais de se faire une idée de son passé. Il faudrait donc que ceux et celles qui tiennent des classes dans nos lycées et collèges aient l’initiative d’inviter de temps à autre, à leurs cours ces « historiens » pour un débat de génération.
Les enseignements sur l’histoire du Sénégal peuvent être de belles occasions de narrer le sacrifice de nos ancêtres ou les actions entreprises comme actions, jusqu’à ce qu’ils en jouissent aujourd’hui. Nous avions ces histoires dans nos maisons lorsque les concessions étaient fréquentées par les seniors et leurs petits-enfants. Aujourd’hui encore, les émissions de « leb » diffusées à la télé et à la radio peuvent jouer ce rôle. C’est une richesse que nous avons, que nous devons valoriser quitte à en codifier la technique de transmission.