[141]. Séjourner en prison suffit-il à payer sa dette à notre société?
Séjourner en prison pour payer sa dette à la société est une entente entre le hors la loi et les autres membres de la société. Et donc une fois élargie, le corps social commence à réinsérer la personne, après une relative préparation. Pourtant, certains ex détenus sont contraints de vivre avec ce fardeau, longtemps après avoir épuisé leur forfait.
J’étais allé au camp pénal de liberté 6 pour rendre visite aux détenus dans un cadre professionnel. Avec l’autorisation et l’accompagnement du personnel trouvé sur place, nous avons pu voir et comprendre les dynamiques d’une prison. Le Sénégal compte 37 établissements pénitentiaires où sont répartis les détenus, condamnés ou prévenus.
Une personne en détention sera donc placée sous la direction d’une de quatre catégories selon le degré de la peine à purger et sa situation. Maisons d’arrêt, de correction, maisons d’arrêt et de correction et camps pénaux reçoivent les personnes privées de liberté. Le camp pénal de Liberté 6 accueille donc les condamnés au delà d’une année jusqu’à la perpétuité.
Beaucoup de publications sont largement revenues sur la non adéquation des prisons à la dignité humaine. J’ai eu moi-même à visiter, dans un cadre professionnel, des lieux où des personnes sont privés de libertés. Pour certains, la vie se résumera à un compagnonnage de quatre murs et pour le restant de leurs vies. Un jour en prison est juste dure à supporter.
Emprisonner une personne quoiqu’elle ait pu faire, c’est la priver de sa liberté et donc ce qu’elle a de plus précieuse. Par conséquent, ni l’administration pénitentiaire ni la société n’ont besoin de « corser » davantage une sanction déjà lourde. Dans certaines prisons heureusement, les agents comprennent qu’au delà d’assurer la sécurité des pensionnaires, ils doivent les préparer.
Au delà de ce que la raison prescrit
Tout individu libre de ses mouvements doit pouvoir comprendre qu’une restriction de liberté n’est nullement comparable. Devoir passer une grande partie de sa vie ou ce qu’il en reste sous une surveillance accrue est pesant. Ceux qui ont en charge la gestion de cette catégorie doivent donc avoir conscience de cet état de fait. Si nous voulons leur donner une chance bien-sûr.
Je vous entends d’ici me dire que ces gens-là ont volé, violé, agressé, tué d’autres personnes. Vous me direz également que leurs actes, prémédités ou non voulus ont plongés les familles des victimes dans le désarroi. Tout ceci est vrai, tout comme nous avions convenu avec eux que la sanction serait une privation de liberté, sans plus.
Le sociologue Djiby Diakhaté a déclaré que l’administration coloniale concevait la prison dans une logique répressive. Par ce biais, les colons soumettaient les récalcitrants avec toute la charge émotionnelle qui accompagnait l’emprisonnement. Ils étaient donc peu préoccupés par la perspective d’une réinsertion du détenu.
La prison tente bien que mal d’offrir aujourd’hui au délinquant l’opportunité de se rattraper de ses erreurs. Le camp pénal de liberté 6 forme les pensionnaires à divers métiers, en complément de l’effort des assistants sociaux. Ces derniers travaillent au resserrement des liens familiaux entre le détenu et le monde extérieur.
Il n’est pourtant pas rare de voir d’anciens détenus continuer à payer une dette sans fin.
Une punition sans fin…
Si on est tous égaux devant la justice, on ne l’est pas toujours au cours de notre séjour en prison et à l’élargissement. Aujourd’hui, les plus nantis et les haut d’en haut bénéficient d’un traitement « spécial ». C’est pourtant cela la norme et donc ce que les autres vivent est déraisonnable. Nous leur pardonnons également et plus facilement leur séjour.
J’ai surtout en tête cette famille qui a refusé la main de leur fille à un homme, parce qu’il est ex détenu. Cet étape de sa vie l’handicape encore bien qu’il ait fini de purger une peine de plusieurs années. Pourtant, il s’était cramponné à l’espoir d’être libre, ce qui lui a permis de supporter le traitement subi durant tout ce temps.
La famille n’est également pas en reste. Les parents des détenus doivent avoir du cran pour maintenir le contact avec leurs parents en détention. Au delà du coupable, les proches sont aussi frappés de la même peine. Chez nous donc, avoir un parent en prison est une malédiction sans fin sans grand chance d’y échapper.
Une société se mire de ses prisons. La manière dont nous traitons nos prisonniers démontre la vision que nous nous donnons de notre humanité. Et donc tant que ce regard destructeur que nous avons envers nos prisonniers n’aura pas changé, nous n’avancerons pas. Une société qui échoue à réinsérer ses détenus démontre son incapacité à donner une chance à ses enfants.
2 COMMENTAIRES
Pourquoi commettre des délits en sachant que la vie en prison est très dure?
Ces personnes condamnées pour meurtre (dans le cas d’une agression par ex) ont- elles laissé à leur victime une chance de vivre?
N’est ce pas prétentieux de leur part de se plaindre quand on sait que le peu de revenus dont dispose leur famille leur est en partie dévolu (dans bien des cas)
N’est ce pas prétentieux de leur part de critiquer le « djakan » quand on sait que des personnes n’arrivent pas à se nourrir deux jours de suite?
Qu’en est il des victimes? Existe-t-il une démarche de repentir, de regret, de présentation d’excuses?
Je suis pour le respect des droits humains, mais cela me révolte de constater que des personnes se donnent le droit de spolier ou de tuer autrui sous prétexte que « rien ne va ».
Les conditions de vie dans les prisons sont dures, très dures! Pourquoi prendre le risque d’ en faire les frais?
Quant à la peine infinie de la prison, je pense que c’est un problème de mentalité. Si ceux qui rejettent un individu parce qu’il a fait la prison se disaient que nul n’est à l’abri ça les pousserait peut-être à réfléchir. Après il y a aussi cette peur que l’on a de l’ex-détenu par rapport à la nature du délit qui l’a conduit en prison.
Estimons -nous heureux au Sénégal, nous n’en sommes pas encore au point où le détenu doit payer pour aller en promenade ou sa famille payer pour lui rendre visite.
Bonjour Sarah,
Merci d’avoir pris le temps de nous laisser votre point de vue. Beaucoup de choses que vous avez évoqué sont vraies parce que rien ne peut justifier qu’on ôte la vie à autrui (sauf en cas de légitime défense). Il reste qu’on limite la perspective lorsqu’on se situe sur ce seul paramètre parce qu’encore une fois la prison sert à payer sa dette à la société et le repentir doit être de mise.
Plus globalement, il est noté quelques difficultés dans les visites de familles des détenus et nous devrons y prêter attention.