[297]. Repenser « Setal Sunu Reew » comme un programme socio-économique
![[297]. Repenser « Setal Sunu Reew » comme un programme socio-économique](https://www.divancitoyen.com/wp-content/uploads/2024/06/diomaye-President-1-850x560.jpg)
Dans le sillage de la journée mondiale de l’environnement célébrée à travers le monde ce mois de juin, le Président sénégalais Bassirou Diomaye FAYE a lancé, le 1er juin 2024, « son » premier programme d’investissement humain dénommé « Setal Sunu Reew ». Rendant compte de cet évènement lors du Conseil des ministres du 5 juin 2024, il a invité les populations à relever le défi de la pérennisation. Afin de donner à l’évènement une place primordiale dans l’agenda institutionnel et social du Sénégal, une journée nationale de mobilisation citoyenne est officiellement instituée. Elle se tiendra sur l’ensemble du territoire national, le premier samedi de chaque mois.
Pérenniser le programme « Setal Sunu Reew » est donc une préoccupation des autorités au plus haut niveau et le Divan Citoyen a donc tout naturellement initié le dialogue à cet effet. Pour débattre de la question, nous avons invité, sur le forum public du 9 juin 2024, l’initiateur de Quartier Vert Challenge, Abdou TOURE, également membre de la Green Factory. Nous avons eu l’opportunité, pendant deux tours d’horloge, de passer en revue les défis liés aux campagnes du Set Sétal.
En s’intéressant à leur cadre de vie et en agissant directement à sa préservation, ces citoyens impacteront positivement sur leur propre vie et celle de la communauté. Comme à l’accoutumée, les solutions innovantes n’ont pas manqué.
Le « Set Setal », une initiative toujours présidentielle
Revenons un peu en arrière. En 1991, l’ancien Président de la République Abdou DIOUF lançait l’une des premières journées d’investissement humain, communément appelées Set Setal. A ses débuts et plusieurs mois après, ce mouvement avait continué à faire foule, suscitant la mobilisation des associations sportives et culturelles (ASC). Malgré cependant ce cachet populaire, le « Set Setal » ne fit pas long feu.
A son accession au pouvoir, le Président Macky SALL initie le « Cleaning Day » ou « Besup Setal ». Nous sommes en janvier 2020 et il en fait une journée mensuelle du nettoyage avec une panoplie de mesures visant en a assurer la pérennité. En son temps, il fut décidé
- de la mise en place d’une brigade spéciale de lutte contre les encombrements,
- d’un Grand prix du Président de la République pour la propreté,
- de l’aménagement de fourrières ou encore
- de la modification des amendes pour désencombrer la voie publique.
Malgré le cachet populaire de ce mouvement et les mesures annoncées, le Besup Setal » s’arrêta net, comme il avait démarré.
Le 1er juin 2024 donc, le Président de la République Bassirou Diomaye Diakhar FAYE, nouvellement porté à la magistrature suprême, pris le relais avec Setal Sunu Reew.
Des programmes peu planifiés, rarement évalués
Lorsqu’elle n’a pas été suffisamment ou pas du tout planifiée, une initiative de cette nature peut difficilement produire l’impact recherché, notamment si une évoluation fine de modèles similaires n’a pas été entreprise. En l’absence de données suffisamment précises sur ce qui a été fait par les autorités en ce sens, on ne peut donc dénir à Setal Sunu Reew une planification.
L’on peut cependant analyser le comportement des acteurs clés et il nous semble qu’ils n’ont pas été associés, d’où le peu d’engouement autour des mots d’ordre ou l’engagement des relais. Ainsi, pendant que des militants, des leaders politiques et une frange de la population se mobilisent dans une localité dédiée, il ne semble rien se passer dans le reste du pays, donnant l’impression de ne pas se sentir concernés. Cette situation a manqué de déclencher la mobilisation attendue à l’échelle nationale et les coups de projecteurs et caméras TV n’ont pu suffire.
L’autre tare de ces événements était la mise en avant de l’Unité de Coordination de la Gestion des ordures (UCG), devenue aujourd’hui société nationale de gestion intégré des déchets (SONAGED). Le rôle de ces entités dans ce processus, bien qu’important, doit être clairement circonscrit à la collecte des déchets. Selon la stratégie mise en place, d’autres acteurs prendront en charge le traitement et/ou la valorisation des déchets.
Notre environnement, parent pauvre des revendications sociales
Avez-vous le sentiment que l’environnement est une priorité au Sénégal ? Non, nous rétorque Abdou Touré et pour plusieurs raisons. Durant tout le temps qu’ils ont été au pouvoir, les présidents qui se sont succédés ont tous été tenaillés par des tensions liées à l’économie, à la santé ou encore à l’emploi. C’est ainsi que l’essentiel des budgets ont convergé vers l’aménagement d’infrastructures, le financement de l’emploi ou le remboursement de la dette, etc.
La mobilisation sociale autour de l’évènement appelle d’autres commentaires de notre part. Les appels à nettoyer enregistrent assez peu d’impacts auprès de populations qui pourtant sont les premiers bénéficiaires. Pourtant, et ailleurs, des citoyens ont pris nombre d’initiatives en rapport avec l’investissement humain indispensable à la bonne tenue de notre environnement. Il y’a donc une explication à rechercher dans ce mutisme.
Pour ne rien arranger, le défaut d’application de la loi sur le plastique constitue également un frein non négligeable en matière d’assainissement au Sénégal. Comme l’a indiqué l’un des intervenants lors du forum, 65% environ des déchets produits par les ménages sénégalais sont du plastique, ce qui avait semblé motiver le vote de la loi le 20 avril 2020. Il semble qu’on ait encore du chemin à faire et surtout une autre forme d’éducation sociale qui inclut l’usage du numérique et la mise en première ligne des éducateurs et des acteurs influents. Surtout que nos ordures reflètent notre personnalité !
Responsabiliser le citoyen et greffer Setal Sunu Reew à un dispositif institutionnel
Le niveau de coordination reste une donnée importante dans la réussite d’une initiative de cette nature. Au regard des expériences précédentes et des programmes à fort impact, le quartier comme espace d’expériences offre plusieurs avantages. Dans un quartier, on retrouve le guide religieux, le notable, le jeune, l’enfant, le dirigeant sportif, la Bajeenu Gox, le leader politique, l’agent communautaire, etc.
Il a donc déjà une vocation sociale, économique, politique et institutionnelle et bénéficie de la régulation d’un acteur communautaire en l’occurence le chef de quartier. Ainsi, toute initiative évoluant dans cet environnement maîtrisé aura l’opportunité de disposer d’un cadre approprié avec des acteurs en mesure d’échanger et de s’entendre sur des questions essentielles. Et même au-delà parce que la mobilisation d’ensemble contribuera à renforcer la cohésion sociale ou à faire revivre la dynamique de socialisation qui tend à s’estomper.
Une fois que ce niveau d’intervention est maîtrisé, les pouvoirs publics peuvent faire appel à divers autres acteurs et cercles d’influence. Les mairies joueront un rôle essentiel en coordonnant les actions, en amplifiant les mots d’ordre et élargissant la palette des initiatives citoyennes à la base. Ils apporteront l’appui logistique nécessaire et assureront le lien avec les entités de collecte, de traitement et de valorisation des déchets.
En matière de valorisation des déchets d’ailleurs, les progrès actuels ouvrent diverses opportunités économiques. Lors de la Tabaski 2024 par exemple, plus de 4 500 tonnes de déchets ont été déversées à Mbeubeuss, la principale décharge de la capitale, compte non tenu de la production quotidienne normale. Mais que fait-on de ces déchets ? Bien que des initiatives de récupération existent, elles ne suffisent pas à exploiter pleinement les opportunités. Un intervenant a souligné la possibilité de créer du pavage à partir de ces déchets, un dérivé qui permettrait d’aménager nos ruelles. Cette activité va, à coup sûr, génèrer des emplois et des revenus tout en ayant un impact positif sur l’environnement. Le choix est donc évident.
Pour assurer la pérennité du programme Setal Sunu Reew, rien de mieux que de greffet un éventail d’activités génératrices de revenus pour les acteurs impliqués. La réflexion dans cette perspective nous parait nécessaire.